Audiovisuel
En annonçant leur volonté de fusionner TF1 et M6, Bouygues et RTL Group veulent créer un champion national. Mais l'impact sur la publicité et la création soulève des questions.

Ce sera finalement via une action de concert dans un nouvel ensemble que Bouygues prendra le contrôle du groupe M6. Ainsi en a décidé un accord de négociations exclusives qui prévoit que Bouygues versera 641 millions d’euros pour être « l’actionnaire de contrôle exclusif » d'un nouveau groupe, avec 30 % du capital, alors que RTL Group en aura 16 %. Nicolas de Tavernost, l’artisan du succès de M6, en deviendra le PDG à partir de la fin 2022, si l’Autorité de la concurrence et le CSA donnent leur feu vert à l’opération. Il aura alors 72 ans. « Patrick Le Lay me disait toujours : “ne me laissez jamais seul dans mon bureau avec Nicolas de Tavernost, c’est la seule personne avec qui je serais capable de faire une bêtise” », s’est souvenu sur Twitter Édouard Boccon-Gibod, l’ex-dircom de TF1.

Concurrence acharnée

Le mariage ne manque en effet pas de sens, et pas seulement car il promet de réaliser 250 à 350 millions d'euros de synergies. Alors que Netflix, Disney+ et autres Amazon captent les usages sur les écrans, les TF1 et M6 subissent de plus en plus la montée en puissance de Google et Facebook dans la publicité. « Devant une concurrence acharnée dans l'audiovisuel et la vidéo, il faut laisser faire sur le plan publicitaire au vu du marché pertinent, estime Nathalie Sonnac, ex-membre du CSA et professeure à Paris 2. La réunion des deux régies mettrait le futur groupe en position dominante mais les frontières de la TNT ne sont plus en adéquation : il faut y intégrer le marché de la publicité en ligne en même temps qu’on s’assure que les règles du pluralisme sont respectées et que les rédactions resteront séparées. » Pour elle, le temps presse et on ne peut plus attendre cinq ans, comme lorsque TF1 avait racheté TMC.

Les deux groupes totalisent 42 % des téléspectateurs, mais leur part de marché publicitaire dans la télé approche les 74 % - 63 % selon TF1. Toutefois, cette part baisse à 54 % si l’on prend en compte le marché « total vidéo », d’après Publicis Media, ce qui passerait mieux auprès de l’Autorité de la concurrence.

Maintenir la diversité

Encore faut-il que les sages de la rue de l’Échelle l’entendent ainsi car ils ont aussi à se prononcer sur l’abus de position dominante des Gafa. Élargir le marché pertinent pour permettre de créer un champion national ne revient-il pas à s’enlever des arguments face à l’hégémonie de Google et Facebook dans la publicité digitale ?

Autre question : quid d’une possible surpuissance de TF1-M6 ? Ne risque-t-on pas de voir deux acteurs tirer la valeur des spots vers le haut après s’être beaucoup battus sur les prix ? « Il faut rester vigilant mais les écueils seront sans doute évités, modère Emmanuelle Soin, CEO d’OMG, le régulateur reste très présent, ce ne sera pas un acteur unique et notre travail reste de négocier au mieux ». Pour elle, « avoir une entité puissante permet de renforcer la diversité de la production ».

C’est aussi ce que pense Pascal Rogard, DG de la SACD : « Les chaînes de la TNT n’ont pas amené grand-chose dans la création, dit-il, on a intérêt à avoir un groupe audiovisuel fort, il faut juste s’assurer de maintenir la diversité : le CSA pourrait demander que chaque groupe conserve un pôle ciné-fiction. » Le cahier de doléances se prépare...

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