Audiovisuel
Pour l'APPS (Association pour la protection des programmes sportifs) qui réunit 15 ayants droits et diffuseurs, dont Canal+ et beIN SPORTS, la lutte efficace contre le piratage sportif passera aussi par la coopération des fournisseurs d’accès Internet et des GAFA. Interview avec Mathieu Ficot, président de l'APPS et directeur général adjoint de la Ligue de football professionnel.

L’Assemblée Nationale a adopté le 19 mars 2021, la proposition de loi «Démocratiser le sport», dont le texte comporte des mesures visant à lutter contre le piratage des retransmissions sportives en live streaming. Qu’attendez-vous de ce projet de loi sur l’audiovisuel ?

L’APPS se félicite du vote de cette proposition de loi qui doit être examinée par le Sénat. Le dispositif prévu dans la PPL devrait permettre aux ayants droit d’obtenir des ordonnances dynamiques du juge judiciaire permettant d’empêcher de façon efficace l’accès aux sites de streaming et aux serveurs illicites et de déréférencer les liens menant vers ces sites. Les pirates disposent en général d’une galaxie de sites et de serveurs pour donner accès aux rencontres sportives sans autorisation. Ils sont capables de déplacer leur infrastructure très rapidement en cas de mesure de blocage. Les ayants droits pourront solliciter le juge une seule fois pour une durée de 12 mois sans devoir retourner au tribunal à chaque fois que le pirate se déplace vers un site ou un serveur miroir. De plus, les fournisseurs d’accès Internet (FAI) devront procéder aux mesures de blocage tout au long de la compétition, y compris pour les nouveaux sites et serveurs qui seraient identifiés en cours de route par les ayants droit. Le dispositif suppose donc un travail permanent de mise à jour de liste noire et une coopération étroite et réactive entre les ayants droit, l’autorité administrative, tiers de confiance et les FAI. 

En 2017, la loi Braillard proposait déjà aux ayants droits de lutter contre la retransmission sportive illicite. Mais cette dernière n’avait débouché sur aucun accord. Ne craignez-vous pas que l’histoire se répète à nouveau ?

Cette année-là, nous avons proposé aux FAI et aux GAFA de trouver un accord de coopération pour nous aider à mieux lutter contre le piratage. Nous avons rapidement rencontré les limites de la loi face à des interlocuteurs qui refusaient toute coopération sans y être contraints par la puissance publique. Cette fois, les pouvoirs publics donnent la possibilité aux ayants droit de solliciter auprès du juge une ordonnance dynamique, avec ou sans accord de coopération. Les FAI et les GAFA ne pourront plus nous opposer une fin de non-recevoir comme par le passé. 

En Angleterre et au Portugal, les détenteurs de droits sportifs ont mis en place un système visant à bloquer les adresses IPTV qui réouvrent dès leur fermeture et les flux de rediffusion volés. Pensez-vous que la France pourrait également se doter de cette technologie ?

C’est précisément l’objet des ordonnances dynamiques qui doivent permettre de lutter contre toutes les formes de piratage, pas seulement les sites de streaming mais aussi l’IPTV c’est-à-dire la télé par internet. Concrètement, vous pouvez acheter une petite box qui vous offre des centaines de chaînes entières pour quelques dizaines d’euros. Ces box contiennent des logiciels qui, grâce à un accès Internet, cherchent et trouvent en permanence l’accès le plus direct aux serveurs où sont hébergés les flux illicites. Les prestataires de service d’hébergement sont des acteurs tout aussi importants que les FAI et les GAFA. 

À combien estimez-vous le montant des programmes audiovisuels sportifs piratés par an en France ? Sont-ce les principaux programmes TV piratés ?

Le manque à gagner lié au piratage du sport en France est évalué en centaines de millions d’euros selon Hadopi. Le sport est particulièrement sujet au piratage en raison de sa distribution fragmentée sur plusieurs chaînes payantes. Mais le cinéma et les séries restent également malheureusement toujours très concernées par le piratage.

Le déréférencement des sites de streaming illégal renvoyant vers des retransmissions sportives est l’une des techniques visant à lutter contre le piratage. Est-il possible de collaborer avec les GAFA pour obtenir le retrait de ces liens ?

Il est essentiel que les résultats d’une requête sur Google n’intègrent pas de site de streaming, même si cela correspond au souhait des utilisateurs. De même, il est crucial que les autres plateformes coopèrent efficacement dans cette lutte car les groupes privés sur Facebook sont très prisés par les consommateurs pirates de rencontres sportives. Le dispositif de l’article 10 de la PPL envisage bien de responsabiliser les GAFA, dans la mesure où il prévoit non seulement le blocage, mais aussi le retrait ou le déréférencement des sites ou contenus repris illégalement. Un acteur comme Google est donc clairement dans le champ de la disposition législative.

L’APPS a été créée en janvier 2018. Son efficacité passe-t-elle par une certaine discrétion ?

Depuis 2018, nous nous sommes efforcés de bien communiquer avec les pouvoirs publics et d’expliquer la spécificité de notre situation. La valeur économique d’un événement sportif étant épuisée une fois celle-ci terminée. Lorsque la proposition de loi sera définitivement adoptée, viendra sans doute le temps d’une communication plus large afin de sensibiliser le grand public au danger que représente le piratage.

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