[Cet article est issu du n°1938 de Stratégies, daté du 22 février 2018]
Débattre pendant 30 minutes de tacos ou de ramens, ça paraît fou et pourtant Guilhem Malissen le fait chaque semaine. Depuis le 20 décembre, les « foodies » ont pu faire la connaissance de « Bouffons », émission consacrée à toutes les cuisines. C'est la société de production Nouvelles Écoutes, dirigée par Lauren Bastide et Julien Neuville, qui a contacté le youtubeur pour animer un nouveau podcast. Une bonne nouvelle pour ce cuisinier amateur ; « En France, à part On va déguster de France Inter et On ne parle pas la bouche pleine sur France Culture, il n’existe pas beaucoup d’émission autour de ce thème. Je voulais être libre de parler autantQuitter de kébabs que d’huitres», ironise Guilhem Malissen. Chaque épisode, avec la participation de chefs et de passionnés, apporte un nouvel éclairage sur des plats connus de tous. Et dans cette quête culinaire, le youtubeur veut aller au-delà de Paris en s’aventurant en banlieue parisienne et aussi en province. « On nous a reproché d’être un peu trop parisiens. La gastronomie de province existe et on veut la redécouvrir », reconnaît Guilhem. Objectif : mettre à mal certains clichés et faire jaillir le côté social de la bouffe.
Menus de lendemains de cuite
Devenu célèbre pour sa chaîne YouTube « Masculin Singulier », arrêtée depuis, il a enchaîné avec « Le Club » des vidéos sur la culture web co-animée avec son ami Pierre et « Hangover Cuisine » [cuisine spécial gueule de bois]. « J’ai d’abord commencé chez Dailymotion en 2013, on m’a proposé de co-animer une émission qui n’a pas marché mais c’est à partir de là que j’ai eu envie de réaliser mes propres vidéos », se souvient-il. Contrairement aux vidéos « foodporn » [pornographie culinaire] de Chefclub, plus esthétiques qu'appétissantes, dans « Hangover Cuisine », le youtubeur réalise avec technique et humour des plats originaux. Au menu : pâtes à la sauce Alfredo, raclette, gyozas, garlic bread [pain à l'ail], poutine… un choix à la carte à la mesure de votre lendemain de cuite. Santé !
Sauf qu'au bout d'un moment, l'univers YouTube a fini par donner la gueule de bois à Guilhem Malissen. Selon lui, YouTube ne fait que reproduire les inégalités de notre société : « Ça reste un endroit très conservateur, les filles se maquillent pendant que les garçons parlent de jeux vidéo. Ce qui ne tire pas le public vers le haut. Aujourd'hui, je me considère moins comme un youtubeur, et je refuse d'être esclave des tendances. Si c'est pour cuisiner des burgers et des rainbow cakes [gâteaux colorés], non merci », tranche-t-il.
De YouTube au stand-up
Passé par l’école de cinéma Eicar à Cherbourg puis Icart Photo, une école de photographie à Levallois, cet artiste multicarte est également humoriste. Une fois par semaine, il organise à la brasserie Barbès des plateaux de stand-up, les « Dimanche Marrant ». Touche-à-tout, Guilhem Malissen a conscience de ses choix ou, en l’occurrence, de ses non choix. « J’ai cette peur que ça foire du jour au lendemain. Pour l’instant, le sujet de la nourriture marche bien, mais le jour où ça ne prendra plus, je me demanderai si je n'aurais pas dû moins m'éparpiller », s'interroge l'animateur. Ces atermoiements mis à part, le jeune homme compte continuer à creuser la voie de la cuisine. Avec toujours, au menu, de la curiosité et un appétit tous azimuts.