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Les fondateurs de So Foot lancent un mensuel de cinéma qui entend cultiver un regard alternatif sur le cinéma.

Il ne fallait pas l'inviter. Encore moins le réinviter. «Bonsoir, contempler tous ces visages devant moi ici ce soir me rappelle le fabuleux travail accompli par les chirurgiens esthétiques.» Le physique est bonhomme, le sourire, sardonique: Ricky Gervais a semé par deux fois le chaos aux Golden Globes, grand-messe du cinéma américain. Allusions à peine voilées à l'homosexualité honteuse de Tom Cruise, sous-entendus appuyés sur l'alcoolisme de Mel Gibson, et galéjades sur le grand âge des actrices de Sex & the City: le comique américain a passé au lance-flammes les stars hollywoodiennes présentes dans le public.

Le sourire démoniaque du comique britannique, créateur, au côté de son dégingandé acolyte Steve Merchant, des séries cultes The Office et Extras, orne la première couverture de So Film, nouveau mensuel de cinéma lancé par le créateur de So Foot, Frank Annese, et sorti à la mi-avril. «Nous avons choisi Ricky Gervais, l'“homme qui s'est payé Hollywood”, afin de poser d'emblée le décor : nous ne sommes ni Première, ni les Cahiers du cinéma», souligne Franck Annese, directeur éditorial des Editions nantaises.

Les amoureux du ballon rond connaissent le ton astringent de So Foot (45 000 ex., source éditeur), exprimé notamment dans sa rubrique «Lu, vu, détendu», cahier rose chair qui tacle les joueurs de football et leurs mœurs dissolues. «Avec So Film, nous voulons faire le So Foot du cinéma», annonce Franck Annese, qui a théorisé pour ses ouailles la loi des trois «h» : humour, histoire, humain.

Pas banal, dans la presse cinéma, de relater le festival de Cannes à travers les yeux d'un vendeur de kebabs. Témoignage: «Au bout d'un moment, les gens en ont marre des petits fours, ils veulent manger du solide.» On ne s'attendait pas non plus forcément à trouver en Raël un amateur de septième art. Le gourou perché s'avoue particulièrement friand de Luc Besson et de Claude Lelouch, période Une homme et une femme. L'influence des Cahiers du cinéma, dont provient le directeur de la rédaction, Thierry Lounas, est extrêmement discrète... «Nous voulons sortir de l'actualité parisienne du cinéma», explique le journaliste, éditeur au sein des éditions Capricci. «La plupart des gens, comme les membres de l'équipe, originaires de Nantes, consomment le cinéma à leur rythme, sans avoir les yeux rivés sur les sorties du mercredi.»

Du coup, So Film n'adopte pas une approche critique, mais cultive la singularité de ses angles. Comme cette entrevue contre-nature entre le délicat Jacques Rozier, réalisateur des aériens Adieu Philippine ou Du Côté d'Orouët et le plus incarné HPG, ex-acteur porno et auteur du long métrage... Les Mouvements du bassin. Ou encore de cette invraisemblable hypothèse, soumise à Xavier Beauvois et Bruno Podalydès : et si vous deviez faire un film avec Brad Pitt? «L'histoire du cinéma, c'est aussi l'histoire de tous les films qui n'ont pas pu se faire», estime Thierry Lounas.
C'est avec une certaine décontraction que les équipes de So Film envisagent l'avenir du mensuel, mis en place à 60 000 exemplaires. «Nous n'avons pas d'objectif chiffré», annonce Franck Annese. Désinvolture ? Inconscience ? Samuel Goldwyn, roublard producteur de l'âge d'or hollywoodien, ne lui aurait pas donné tort : «Il n'est pas indispensable d'être fou pour faire du cinéma. Mais ça aide beaucoup.»

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