magazines
Le mensuel branché Technikart, à l'origine un fanzine arty, fête ses vingt ans et revendique une approche de défricheur.

Elle est ravissante, volubile et minaudière. Elle profère, aussi, énormément de sottises d'un ton pénétré: «Pour moi, le cinéma, ça doit être une gifle en plein cœur», «Le théâtre, pour moi, c'est une vibration». Excédé par ce torrent de truismes, son compagnon se retourne, face caméra et lâche dans un soupir: «Ne devenez pas comme cette conne. LisezTechnikart Le spot date de 2000, mais les fondateurs du mensuel branché s'en réclament encore. Signé par Frédéric Beigbeder et Thierry Gounod, acolyte de l'ex-publicitaire à l'époque où il officiait pour Young & Rubicam, le film restitue bien le ton du magazine, qui célèbre ses vingt ans avec un numéro «almanach», sorti le 5 octobre. «Mai 68 était-il bidon?», «Cours connard, ton patron t'attend», «Les nouveaux réacs», «Les bobolcheviks débarquent»… le numéro anniversaire reprend les unes, souvent provocatrices, qui ont jalonné la vie du mensuel.

Qui se souvient encore qu'à ses débuts, en 1991, Technikart ne traitait aucunement de sujets sociétaux, mais d'art contemporain? Ses fondateurs: Fabrice de Rohan-Chabot et Guillaume de Roquemaurel, aux côtés de Raphaël Turcat, distribuent eux-mêmes le bimestriel gratuit dans les galeries d'art. Petit à petit, la ligne éditoriale élargit ses horizons: «Frédéric Beigbeder a écrit le premier article littéraire du journal, titré “Le football est-il un art?”», raconte Fabrice de Rohan Chabot. «Jacques Braunstein a développé les pages “styles de vie”, et Benoît Sabatier, ancien des Inrockuptibles, les pages musicales.» D'ailleurs, contrairement aux Inrocks, le mensuel ne passera pas à côté de la vague des musiques électroniques. Il pressentira très vite le potentiel de groupes comme Daft Punk. Tout un symbole: les premiers locaux du titre, rue de Charonne, se situent près du magasin parisien de Rough Trade, un label électro londonien.

Aujourd'hui, c'est plus près de la Bastille, passage du Cheval-blanc, que l'on trouve les locaux, joyeusement foutraques, de Technikart. «Nos portes sont toujours ouvertes, indique Rohan-Chabot. Les journalistes travaillent quand ils veulent, le jour, la nuit…» Le mensuel est connu pour ses bouclages fiévreux, souvent accompagnés de fêtes dantesques. «Pour un mensuel, nous bouclons très tard», explique Rohan Chabot. «Nous finissons notre dernier papier sept jours avant d'être en kiosques…»

Un titre qui «a fait école»

Le fondateur de Technikart le répète: «Nous avons souvent eu du nez.» Exemple? «Une couverture titrée “L'Empire contre-attaque”», qui évoquait la fin du modèle américain et occidental. Ou encore “Amérique: la meilleure gauche du monde”, qui annonçait, très en avance, la victoire d'Obama.» Rohan Chabot s'en félicite: le journal «a fait école». On retrouve ses ouailles, Benjamin Rozovas, Nicolas Santolaria, Patrick Williams ou Sylvia Jorif, dans des titres comme GQ, Glamour, Elle, Première, etc. Fuite des cerveaux? «Nous ne pouvons pas nous aligner sur les salaires des grands groupes de presse», reconnaît Fabrice de Rohan-Chabot. Une façon aimable de dire que les journalistes sont mal payés.

Le titre revendique 40 000 exemplaires, selon son éditeur, dont 6 000 abonnés et «un chiffre d'affaires publicitaire en hausse de 15%». La nouvelle formule des Inrocks, plus «news», n'aurait pas nui à Tech. «Notre portefeuille d'abonnés s'est même étoffé. Les prises de position politique des Inrocks en ont énervé certains», souligne l'éditeur, qui publie par ailleurs Trax, un magazine électro. Technikart, quant à lui, entend bientôt sortir une compilation sur Itunes retraçant vingt ans de musique et prépare sa fête d'anniversaire, le 18 novembre au Trianon. Rock n'roll.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.