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Deux mois après avoir connu de violentes émeutes, l'Angleterre cherche toujours à expliquer leur processus de déclenchement. Les réseaux sociaux? Des coupables tout trouvés.

Échaudé suite aux émeutes du mois d'août, David Cameron, Premier ministre britannique, avait d'abord émis l'hypothèse de fermer les réseaux sociaux en cas de révoltes similaires à l'avenir. Les associations, la police et les principaux acteurs du Web 2.0 ont, depuis, prouvé qu'il était beaucoup plus judicieux de les laisser ouverts pour les utiliser ultérieurement et retrouver des coupables.

En outre, il s'est avéré qu'une grande majorité des messages échangés pendant ces événements permettaient aux «bonnes gens» de savoir où se situaient les exactions pour mieux les éviter (et ainsi permettre à la police de séparer les protagonistes du reste de la population). C'est ce qu'ont expliqué les responsables des trois principales sociétés concernées, venus à deux reprises, fin août et mi-septembre, s'expliquer devant une commission parlementaire. Research in Motion a envoyé son directeur général Royaume-Uni et Irlande, Stephen Bates, Twitter son conseiller juridique, Alexander Macgillivray, et Facebook son directeur de politique publique en Europe, Richard Allan.

La question reste de savoir si lesdits réseaux sociaux ont pu provoquer ou accélérer la dynamique des pillages. Une observation attentive des médias et des réseaux sociaux durant les trois jours qui ont suivi le déclenchement des émeutes permet de s'interroger sur la nature sinon autoréalisatrice en tout cas adjuvante des messages diffusés.

Les réseaux sociaux, importants par nature

Dans une enquête au long cours qui vient d'être ouverte en collaboration avec la London School of Economics, le quotidien de centre-gauche The Guardian a compilé les quelque 2,5 millions de tweets liés aux émeutes. Sa principale conclusion: dans chaque quartier, la grande majorité des tweets était envoyée dans les minutes et heures suivant les pillages. Donc, les réseaux sociaux n'étaient pas forcément le vecteur de ces émeutes.

Or, il apparaît que lors des troubles durant les trois premiers jours, quelques centaines de tweets étaient envoyés avant ou au commencement de la phase aiguë des pillages, et ce avant que l'information ne soit diffusée dans les médias de masse, les télévisions particulièrement, qui semblaient pétrifiées et ne diffusaient qu'une infime partie des images dont elles disposaient.

«Que des jeunes aient communiqué ensemble pendant ces événements, cela ne signifie pas qu'une force centrale, impulsée par Twitter ou Facebook, leur intimait l'ordre d'aller ici ou là», tempère Peter Sommer, spécialiste de cybercriminalité, maître de conférence associé à la London School of Economics.

Le fait que des réseaux sociaux aient pu jouer un rôle n'indique pas que ce dernier était en soi important, mais simplement que les réseaux sociaux sont devenus importants d'une manière générale, puisqu'on compte 130 téléphones portables pour 100 habitants aujourd'hui dans le pays, ce qui veut dire que certains jeunes en possèdent deux, voire trois, et en font donc une très grande utilisation.

Quant à un flot d'adrénaline alimenté par les réseaux sociaux et poussant au passage à l'acte, le professeur de médias Julian Petley (Brunel University of London) estime que «cette théorie de l'imitation existait déjà avant les réseaux sociaux, via les scènes de violences vues à la télévision. Je n'ai aucun doute sur le fait que les émeutiers se sont téléphonés ou ont communiqué avant de passer à l'acte, mais je ne pense pas que l'on puisse considérer que les nouveaux outils technologiques aient pu être une cause majeure de ces émeutes.»

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