Le futur roi Édouard VII y avait sa propre baignoire en cuivre rouge, surmontée d'une sphinge décorative à la poitrine voluptueuse. Il aimait y barboter dans du champagne, entouré de ces dames du Chabanais. Si les couloirs du 12, rue Chabanais, à Paris, non loin du Louvre, pouvaient parler, ils bruisseraient d'anecdotes cocasses, scabreuses et libertines: l'immeuble a abrité, de 1875 à 1946, l'un des bordels les plus luxueux du tout-Paris. Aujourd'hui ne reste «aucun élément de décor, et les murs abritent des bureaux…», raconte François Besse, patron des éditions Parigramme, qui ont publié le 30 septembre Maisons closes parisiennes. Architecture immorale des années 1930, de l'architecte Paul Teyssier.
Les bonnes adresses? Le One Two Two, Le Sphynx ou encore Aux Belles Poules. Toutes mettent la clé sous la porte en 1946, année de «la fermeture»: un vent de puritanisme et de patriotisme souffle sur la France après la Libération, et les maisons dites de tolérance l'ont été particulièrement avec l'occupant nazi…
Plus de soixante ans après, «les maisons d'illusions» ouvrent à nouveau leurs portes, que ce soit dans l'édition ou sur les écrans. Et le grand public est très client: Canal+ a créé l'événement cet automne, avec la série Maison close, qui relate le quotidien d'une maison de rendez-vous à Paris au XIXe, après la Commune. Le premier épisode, diffusé en octobre, a battu des records, réunissant 1,3 million d'abonnés, sur 5 millions (23% de part d'audience).
Racolage? «Notre idée n'était pas de montrer la prostitution comme un univers glamour,explique Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction de Canal+. Dès la première scène, on montre une passe, avec tout l'aspect “mécanique” que cela comporte.» D'autres séries, anglo-saxonnes celles-là, ont exploré le monde des «claques», comme Satisfaction, qui met en scène des prostituées à Melbourne, en Australie, ou Confessions d'une call-girl, même si cette dernière, selon Fabrice de la Patellière, «est très ambiguë, car son héroïne semble apprécier énormément son métier».
Le commerce du corps fascine
Dans les «clandés», l'on trouvait des filles, bien sûr, leurs michetons évidemment, mais aussi ceux qui se faisaient reconnaître à leur porte en montrant l'insigne en forme d'œil qu'ils portaient au revers de leur veston: ces messieurs de la Mondaine, appelée ainsi parce que ces policiers surveillaient non seulement les prostituées, mais aussi les gens du monde.
La chaîne Planète consacre un documentaire, issu d'un ouvrage de Véronique Willemin (La Mondaine. Histoire et archives de la police des mœurs, éditions Hoëbeke, 2009), qui s'est classé pendant huit mois dans les meilleures ventes. Son premier tirage de 5 000 exemplaires a été épuisé en dix jours, et il s'en est écoulé au total quelque 35 000 exemplaires. «Dès le jour de la sortie, j'ai été sollicitée par absolument presque tous les médias», se souvient Véronique Willemin. Pour elle, cet engouement autour du sexe tarifé provient d'«une émulsion: mon livre est sorti, puis la série de Canal+, et les éditeurs ont flairé le filon.»
Dans une société où la prolifération des réseaux sociaux enjoint de plus en plus de bien «se vendre», le commerce du corps fascine. Le «cadeau d'anniversaire» de Ribéry, l'escort girl Zahia, n'a-t-il pas provoqué une émeute cet été à Saint-Tropez, à l'instar d'une Brigitte Bardot?