À la sortie du Jamel Comedy Club, le petit théâtre parisien de Jamel Debbouze, Jean-Luc Hees, le PDG de Radio France, prend congé avec sa voix de crooner des ondes. Mais c'est un rendez-vous manqué entre Jamel et Jean-Luc. Le comique n'est pas arrivé à temps pour la conférence de presse qui a officialisé la résidence hebdomadaire de la troupe du Jamel Comedy Club sur l'antenne du Mouv', la radio publique pour les jeunes.
Enregistrée dans les conditions du direct, l'émission Comedy Club Live est diffusée le samedi et le dimanche à 11 heures et est animée par le trio de comiques Shirley, Yacine et Dédo. Soit un parfait échantillon de diversité italo-black-beur à l'antenne, qui correspond à une volonté de rompre avec l'ancien format, plutôt destiné aux «petits Blancs de bonne famille».
Dans la salle au plancher en parquet et aux lustres argentés, les spectateurs sont assis à des tables rondes. Parmi eux, la direction du Mouv'. «Nous voulons développer l'humour à l'antenne, précise Hervé Riesen, directeur de la radio jeune. Le Mouv' est la radio de son époque: elle rend compte du phénomène du stand-up [spectacle comique à la première personne] et de la dimension sociétale de cette forme d'humour, sans aucun communautarisme.»
Énergie loufoque
L'émission évolue dans le registre de l'«infotainment», avec Yacine dans le rôle du maître de cérémonie. Les chroniques musicales de la jeune Shirley et celles sur le cinéma de Dédo l'illustrent. Shirley ironise sur le chant hasardeux d'Arnaud Fleurent-Didier, nouvelle égérie versaillaise des bobos. «C'est comme le visage des frères Bogdanoff. Tous les éléments sont bien, mais pas réunis ensemble: le chant et les textes s'autoannulent», vanne-t-elle. Dédo voudrait que l'on rende à Mélanie Laurent, pour son rôle dans Inglorious Basterds, le prix de «pire actrice de l'année» décerné à l'actrice américaine Megan Fox. «Nous leur donnons la matière d'actualité dont ils ont besoin, sous la forme de dépêches AFP notamment, confie Gérald Roux, directeur adjoint du Mouv'. J'interviens sur le rythme de l'émission.»
Au cours de cette première demi-heure très énergique, un jeune talent monte sur scène. En cinq minutes, Baptiste Lecaplain exécute un numéro de stand-up très réussi et construit son univers à l'aide de noms de marques. Invité musical, le chanteur Rachid Taha n'a pas sa langue dans sa poche. Lors de l'interview menée par Yacine, il tance Éric Besson, le ministre de l'Immigration. «Il a une jeune maîtresse tunisienne, mais un matin au réveil il lui retirera sa carte de séjour», glisse-t-il. La phrase ne sera pas diffusée à l'antenne le samedi suivant. «Il ne s'agit pas de censure, assure Hervé Riesen. Sur la forme, le rendu à l'antenne de ses propos était confus et, sur le fond, il était à la frontière de la diffamation.» Invité à choisir un titre pour l'antenne, Rachid Taha se montre plus sage, puisqu'il retient That's All Right Mama d'Elvis Presley.
Dans la dernière partie de l'émission, Dédo fait montre de ses talents en interprétant un personnage complètement loufoque, en l'occurrence la main du footballeur Thierry Henry, avec un savoureux accent italien. «Je suis sur Handbook, le Facebook des mains», blague-t-il. Sur le ton de la dérision, la main se plaint ensuite d'avoir été effacée d'une pub Gillette (fait véridique). «On refait la fin», clame Yacine. Sous une nouvelle salve d'applaudissements, l'émission se termine sur un deuxième morceau interprété par Rachid Taha.