[Tribune] Se vendre sans se survendre, aka le pouvoir de la posture vulnérable. Pour se faire entendre, les marques doivent assumer ce qu’elles sont. Alors, ouvrons la boîte de pandore à la création culottée et clivante.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais le consommateur ne vous remarque plus. Les enchanter, travailler la considération pour convaincre sur la supériorité de sa marque… Tout ça demande de l’empathie. Oui, il est de notre rôle de publicitaire de créer du spectacle et de susciter l’émotion (comprendre : pour faire vendre). Mais même avec le plus beau papier cadeau du monde, le pull tricoté par grand-mère n’en reste pas moins moche.
Au-delà de l’appréhension d’un persona bullshit et « ultra-détaillé », au-delà du message imposé et des valeurs prônées, posons-nous une question : au prisme du lien que j’entretiens depuis X années avec les gens, quelle perception ont-ils de ma marque ? En France, 86 % des marques pourraient disparaître dans l’indifférence générale, selon l’étude Meaningful Brands de Havas Group. Alors, arrêtons de nous la raconter en astreignant les gens à des messages top down enjolivés de fake, tel un cat-fisher Tinder.
La tension pour capter l’attention. Un vieil adage dit que si le consommateur n’écoute pas la publicité, c’est parce que les publicitaires n’écoutent pas le consommateur. Alors, comment sortir de la cacophonie publicitaire et adresser un message qui parle vraiment aux gens ? Une issue : l’insight dissonant. Celui-ci révèle de façon frappante un problème conso, créé directement ou indirectement par une marque, un sujet à tension. Une frustration qu’on n’avoue pas ; enfouie, par déni.
Assumer, en tant que marque, ses faiblesses, c’est fort. 75 % des Français en ont assez des marques qui prétendent agir pour le bien de la société. Alors, stop au purpose washing ! S’adresser avec dissonance, non seulement ça sonne juste mais ça résonne positivement dans l’esprit des gens.
C’est d’autant plus vrai qu’en 2022 (TikTok), l’on vit dans une époque où rien ne choque. Sur les réseaux sociaux, la bienveillance n’est pas vraiment socialement acceptée. À l’ère du social cynisme, les gens tendent vers une forme de résilience face au shitposting. Si nous nous accoutumons allègrement à l’absorption de mèmes, d’invectives et de trolls, ce n’est pas le trash-talking d’un annonceur qui va écorner nos pudeurs de gazelles.
La dissonance, ça marque !
Dans ce contexte, les marques ont tout intérêt à se démarquer en s’adressant avec dissonance aux consommateurs. Et ça marche ! Pierre & Vacances s’est récemment autoflagellé par l’entremise de Nico, antihéros raillé par ses collègues (parce qu’il a passé ses vacances dans l’une de leurs résidences). Une posture autodérisoire qui rend la marque plus sympathique et crédible car vulnérable dans la promesse qu’ils adressent : « apparemment nos résidences changent plus vite que notre image ».
Autre exemple, UberEats, qui déculpabilise les consommateurs qui n’assument pas de passer commande chez eux. Parce que oui, quand Idriss monte 11 étages pour contenter notre caprice (qu’on n’est même plus en état d’ingurgiter), on se retrouve devant bon nombre de nos contradictions, bafouant toutes nos nouvelles convictions woke, croquant dans les chicken nuggets tel le fruit défendu. Mais « ça arrive ».
Jamais dans la tendance, toujours dans l’autodérision
Vouloir plaire à tout le monde, c’est plaire un tout petit peu à tout le monde. Choisir, c’est engager. Choisir, c’est aussi enrager. Mais on s’en fout. Ouvrons la boîte de pandore à la création culottée, clivante et inexploitée. Adopter une posture plus objective (conscient de sa condition de marque), parler avec véracité, élargir son arc narratif (vers l’autodérision ?), émerger par la différenciation, tout ça pour gagner la confiance de son public : voilà tout ce que les marques ont à perdre.
Vouloir plaire à peu de monde, c’est plaire beaucoup à peu de monde. Et c’est bien l’art de trancher, l’audace de choquer qu’il manque cruellement à notre industrie. Agence et annonceurs compris.