À l’image des industries de la mode et des cosmétiques, le secteur du tourisme utilise aussi le levier de l’influence pour booster l’attractivité de ses territoires. Souvent pour le meilleur et, parfois, pour le pire…

Il fut un temps où certains offices du tourisme étaient pris d’assaut par des hordes de visiteurs, excités à l’idée de faire les meilleures découvertes et de suivre les recommandations des chargés d’accueil. Une grande chasse à la documentation et aux prospectus dont le vainqueur pouvait alors briller, de retour de vacances, à la machine à café, partageant ses bons plans avec ses collègues. Oui mais voilà, depuis l’avènement des réseaux sociaux, les offices du tourisme ont dû changer leur manière de procéder pour continuer de faire vivre leurs territoires.

Destination(s) réseaux sociaux

Si la fréquentation physique des offices du tourisme a énormément baissé ces dernières années, cela s’explique donc principalement par le fait que les recherches d’informations se font désormais sur les réseaux sociaux. Principalement sur Instagram et sur TikTok, des plateformes ultra-visuelles qui permettent aussi bien de mettre en valeur une nature luxuriante que les assiettes colorées des derniers restaurants à la mode. « TikTok et Instagram révolutionnent la recherche de produits et de destinations, en devenant les moteurs de recherche préférés de la GenZ, au détriment de Google. Aujourd’hui, près de 40 % des jeunes se tournent vers ces plateformes pour trouver des recommandations de voyage », confirme Louis du Sartel, directeur commercial de Clark Influence et Anorak Travel. Pas étonnant donc que les offices du tourisme investissent l’influence pour faire vivre leurs destinations, selon des problématiques différentes.

« Capitale de la Bretagne, Rennes est une destination urbaine, ce qui la distingue des stations balnéaires. Elle possède une offre gastronomique et culturelle très importante, qu’il faut réussir à faire vivre tout au long de l’année », pose Vincent Aubrée, directeur du pôle promotion marketing de Destination Rennes. La ville a d’ailleurs parfaitement compris les codes et les enjeux des réseaux sociaux, postant régulièrement des actualités et des bons plans à ses 43 000 abonnés sur Instagram en octobre 2024. Mais si Rennes ne souffre pas de saisonnalité touristique, ce n’est pas le cas de toutes les destinations.

Comme Argelès-sur-Mer, près de Perpignan, dont l’enjeu est de donner envie aux gens de découvrir la ville du Sud-Est au printemps comme en automne. « Nous avons fait le choix de ne plus mettre en place de partenariats influence durant l’été car la destination se remplit seule et n’a pas besoin de nous. En revanche, notre mission est de faire la promotion des ailes de saison et de montrer que la ville ne vit pas que l’été », rappelle Juliette Laurent, social media manager pour l’office du tourisme d’Argelès-sur-Mer. Pour cela, rien de mieux que de rendre attractif le tourisme de proximité, en misant de manière stratégique sur les bons profils de créateurs de contenu.

Retour d’expérience et authenticité

Utilisé pour rendre attractives les destinations en dehors de leur saison clé, le tourisme de proximité a aussi bénéficié d’un effet pandémie. « Depuis la sortie du covid, nous travaillons beaucoup sur une notion de “camp de base”. Nous souhaitons montrer que l’on peut s’installer facilement à Rennes, car non seulement il y a tout ce qu’il faut, mais la ville possède également tous les points d’attractivité à proximité », explique Vincent Aubrée, avant de poursuivre : « On a une approche locale qui n’existait pas forcément avant le covid, on ne se base pas seulement sur le nombre d’abonnés et on travaille beaucoup avec des créateurs de contenu de Bretagne ou du Grand Ouest, comme @lextraordinairemarcel ou @bretonne_en_vadrouille. »

Dans ce contexte, il faut savoir cibler les bons influenceurs et effectuer un travail de veille minutieux. « Nous faisons un réel effort sur notre sélection en fonction des marchés que nous avons objectivés sur l’année, explique Juliette Laurent. En 2024, par exemple, nous avons reçu @hellolaroux (50 000 abonnés sur Instagram), originaire de Marseille, ou les jumeaux de @tripandtwins (35 000 abonnés sur Instagram) qui habitent à Bordeaux et dont le contenu peut inspirer pour venir profiter des grands week-ends de mai. La proximité géographique est un critère, mais nous faisons aussi très attention aux valeurs prônées par les créateurs ainsi qu’à leur côté artistique. »

Il faut dire que désormais, les utilisateurs recherchent de plus en plus à vivre des expériences authentiques lors de leurs déplacements. « Ils se lassent des images parfaites et des clichés promotionnels, qui ne suffisent plus à captiver une audience. Il est crucial d’innover avec des formats immersifs et impactants qui permettent aux spectateurs de se projeter dans l’expérience. Les contenus authentiques, filmés de manière spontanée avec des smartphones, deviennent de plus en plus populaires. Vive le partage d’expérience spontané ! » résume Louis du Sartel.

Les limites de l’influence et le surtourisme

Revers de la médaille, la médiatisation excessive d’une région, de monuments ou de lieux culturels génère parfois un surtourisme ou la saturation des sites touristiques. Un phénomène produit par la sortie d’une série ou d’un film à succès, par la parution d’articles de presse élogieux ou, tout simplement, par un partage en masse sur les réseaux sociaux. D’après l’Organisation mondiale du tourisme, 95 % des touristes mondiaux visiteraient moins de 5 % des terres émergées.

En France, 80 % de l’activité touristique se concentrerait sur 20 % du territoire. Une fois le mécanisme enclenché, les conséquences peuvent être désastreuses, aussi bien au niveau de l’environnement que de la qualité de vie des locaux. « Le surtourisme reste un risque. Il est essentiel que les campagnes d’influence s’inscrivent dans une logique de tourisme responsable, en mettant en avant des pratiques écologiques et respectueuses des communautés locales. Le défi est alors de travailler avec des influenceurs capables de sensibiliser et de diriger leur audience vers des alternatives moins fréquentées ou des périodes hors saison, afin de répartir les flux touristiques de manière plus durable », conclut Louis du Sartel.