Benoît Torloting, le directeur général de Bouygues Telecom, tient le volant d’une entreprise qui a connu plusieurs virages. Mais tient une ligne droite avec le gain d’1,3 million de nouveaux clients fixes et mobiles en 2021.
Il y a chez Benoît Torloting une affabilité engageante qui ferait presque oublier qu’il est le patron de Bouygues Telecom, depuis janvier, et un cerveau dimensionné X Mines, ce prestigieux corps d’élite de l’École Polytechnique. C’est que ce fils de boucher-charcutier à Villerupt, dans le bassin minier de Lorraine, n’a pas oublié le petit garçon qu’il fut : « Mes parents admiraient les ingénieurs, je tenais la caisse et faisais la plonge. Ce milieu modeste et pragmatique joue en moi. J’essaye toujours d’avoir du bon sens, de ne pas trop m’éloigner de la vraie vie des gens ». Selon lui, l’intérêt général prime. Après avoir hésité entre l’automobile et les télécoms, il vit sa première expérience dans une PME de miroirs astronomiques de 50 employés avant de rejoindre le cabinet de Christian Sautter en 1997, à Bercy, puis d’entrer chez Bouygues Telecom en 1999.
Champion de la synthèse
Ce passionné de sport automobile, qui s’entraîne parfois sur piste au Mans, compare cette période à une phase de démarrage jusqu’en 2011, date du lancement de Free Mobile. Il se retrouve d’abord à la direction stratégique qui couvre les études marketing et les plans d’affaires où il s’offre une vue privilégiée sur l’entreprise. En 2002, il s’occupe du dossier de candidature à la 3G que Martin Bouygues avait décliné deux ans plus tôt. C’est à l’époque que Gilles Pélisson, l’un de ses prédécesseurs, voit ce spécialiste des forfaits grand public et des terminaux évoluer sous le leadership de Richard Viel : « Il a la précision de l’ingénieur brillant qu’il est, ainsi que l’humanité et le sens du client qu’il a développés au fil du temps », résume l’actuel PDG de TF1. Et parce qu’il est le champion de la synthèse entre des tarifs, des usages et des capacités de réseau, l’entreprise lui doit Neo, en 2006, première offre avec de la voix illimitée (« les concurrents ont mis deux ans à suivre ») puis le premier forfait quadruple play (fixe et mobile) en 2009.
Mais c’est avec la réinvention de l’entreprise via B&You que Benoît Torloting gagne ses galons de dirigeant. En juillet 2011, six mois avant Free Mobile, il a l’intuition d’abonnements mobiles « Sim only » distribués uniquement en ligne et à un tarif abordable, pré low cost. Auparavant, il s’est frotté aux points de ventes sur le terrain à travers la direction des boutiques qui lui font comprendre l’importance d’un réseau physique dans un parcours clients : « La partie contacts humains a toujours une très forte valeur. Il y a le besoin de rassurer, d’être pédagogue… », observe-t-il. « J’ai la volonté de donner une place encore plus affirmée à notre promesse d’être l’opérateur qui permet d’améliorer la qualité des relations humaines envers les clients, entre les clients et entre les collaborateurs entre eux. Je veux accélérer, aller plus loin dans la qualité de ce qu’on délivre, et de nos échanges humains ».
Le virage avant Free Mobile a été suivi d’un autre tournant périlleux : celui de la consolidation du marché autour de quatre opérateurs, en 2014-2015, où l’entreprise est contrainte d’engager un plan social qui fait partir 1500 salariés. Mais le pilote amateur observe que « c’est dans les virages qu’il faut accélérer et avec la vitesse acquise en sortant que l’on performe ». L’homme en a gardé une feuille de route dont il recueille les fruits à travers un chiffre d’affaires de 7,3 milliards d’euros en croissance de 13% en 2021 (+5% à périmètre constant) et un ebitda après loyer à +7%.
Vo Dan Toc
Au volant avec son fils ingénieur de 22 ans, il pratique aussi avec lui depuis près de huit ans le « Vo Dan Toc », un kung fu vietnamien où compte autant la souplesse, la technique que le sens de la chorégraphie parfaitement exécutée grâce à l’anticipation des coups dans le croisé de bâtons. « La concentration, l’agilité ainsi que la rapidité de décision et d’exécution sont des caractéristiques utiles », sourit-il. Demeurant attiré par un environnement technologique au service du grand public, il cherche à multiplier les services utiles au client, comme la visio-conférence adaptée à l’ère du mobile avec sa filiale Keyyo, la mise en place de visio-conseillers allant jusqu’à la vente ou encore la Bbox Asso avec des prix réduits et une plateforme de bénévolat.
Convaincu que l’heure est à la « frugalité numérique », il plaide pour des flux vidéos à la résolution plus faible sans amoindrir la qualité de l’expérience client en économisant l’énergie et en soulageant ses réseaux. Une réponse au poids des Gafan dans le trafic des opérateurs qu’il espère voir porter au niveau européen. « C’est quelqu’un de très discret mais qui, par sa qualité de raisonnement, son intelligence et son humilité, gagne la confiance », conclut Gilles Pellisson. Côté défaut, Benoît Torloting s’en reconnaît un : « Je déteste être pris en défaut ». Plus de 22 ans de conduite sur route et sur piste a néanmoins de quoi rassurer les occupants du véhicule.
PARCOURS
1966. Naissance
1989. Diplômé X-Mines, embauché chez REOSC puis Thomson Multimédia.
1997. Conseiller technique au cabinet du ministre de l’Économie.
1999. Rejoint Bouygues Telecom (marketing intelligence, développement commercialisation, forfaits grand public, marketing terminaux et relation client). Puis DG du Réseau Clubs Bouygues Telecom. 2010 : Membre du comité de direction générale
2012. Directeur de B&You et du digital
2014. Prend la direction des business units Fixe et Mobile
2015. Directeur général adjoint en charge du marché Grand Public et Pros.
2021. Directeur général délégué.
2022. Directeur général de Bouygues Telecom.