L'Autorité française de la concurrence a prononcé jeudi des mesures conservatoires à l'encontre de Meta, en raison de pratiques « potentiellement discriminatoires » dans le domaine de la vérification publicitaire.
En 2022, l'Autorité avait déjà forcé Meta à modifier ses pratiques en matière de partenariats avec des acteurs de la pub en ligne, après une plainte du groupe français Criteo, et avait ainsi évité une sanction. Cette fois, c'est la société française Adloox, spécialisée dans la mesure de la visibilité des publicités, qui a saisi l'institution en octobre 2022 après avoir tenté sans succès depuis 2016 d'accéder à deux programmes proposés par Meta, (au même titre qu'IAS, DoubleVerify ou Moat) indispensables pour exercer son activité, notamment suite à des scandales dans les mesures publicitaires.
Parmi les mesures d'urgence prononcées et qui resteront en vigueur jusqu'à la publication d'une décision au fond, Meta devra suspendre l'application de ses critères actuels d'éligibilité à ses partenariats et rendre publics de nouveaux critères d'accès qui soient « objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés », afin de « faciliter l'intégration d'Adloox à ses partenariats ». Afin d'éviter des soupçons de préférences. « Nous examinons la décision provisoire et nous envisageons toutes les options », a réagi un porte-parole de Meta, qui a encore la possibilité de faire appel.
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Selon l'autorité, les « conditions d'accès » proposées par Meta « étaient susceptibles de constituer un abus de position dominante et portent une atteinte grave et immédiate à la fois aux intérêts d'Adloox et au secteur de la vérification publicitaire indépendante ». Les pratiques actuelles pénalisant l'innovation et le marché de l'adverification, selon l'Autorité.
Le marché de la vérification publicitaire a vécu un réel essor ces six dernières années face à la demande croissante de transparence des annonceurs et afin de minimiser la fraude publicitaire sur internet. Mais pour permettre de mettre en place les outils de vérification, il faut pouvoir se connecter à la plateforme et avoir accès aux données - préalablement sélectionnées par la dite plateforme. Celle-ci définit donc les entreprises autorisées à se connecter à ses diverses API.
Leader mondial des réseaux sociaux, « Meta ne publie pas les critères d'accès à ses partenariats » et, à supposer qu'ils soient « transparents, ils pourraient être considérés comme des barrières à l'entrée » en raison notamment de leur complexité, a déclaré le président de l'Autorité Benoît Coeuré lors d'une conférence de presse. « Le refus (de Meta) de faire rentrer Adloox dans ses programmes depuis 2016 est potentiellement discriminatoire » et a eu des conséquences, dont une perte de clients, « une forte baisse du chiffre d'affaires » et une masse salariale diminuée de moitié, a-t-il ajouté.
Le DSA en ligne de mire
L'autorité a également justifié ces mesures d'urgence par l'application prochaine du Règlement européen sur les marchés numériques (DMA) qui comporte de nouvelles obligations dans le domaine de la concurrence pour les grands acteurs du web. Entré en vigueur mardi, le règlement « va potentiellement permettre une ouverture et un développement du marché » de la vérification publicitaire, au bénéfice notamment des plus petits acteurs, a expliqué Benoît Coeuré. « Il est important que le paysage concurrentiel soit compétitif et ouvert dans un an », lorsque la Commission européenne pourra vérifier la mise en conformité des acteurs avec le règlement. « On ne va pas lever notre crayon en attendant », a-t-il déclaré. Il a par ailleurs annoncé, au niveau français, que le projet de loi Barrot sur le numérique serait présenté au conseil des Ministres le 10 mai prochain, et qu'une grande partie concernerait le Cloud.