Spécial transition

La France s’apprête à accueillir la Coupe du monde de rugby, du 8 septembre au 28 octobre. La société Sami a réalisé une étude pour mesurer l’empreinte carbone de cet événement sportif majeur, avec des propositions radicales.

Le coup d’envoi de la Coupe du monde de rugby sera donné le 8 septembre au Stade de France, avec le match France-Nouvelle-Zélande. À cette occasion, Sami, start-up spécialisée dans le pilotage des stratégies carbone des entreprises, a réalisé une étude qui évalue l’impact de l’événement et les trajectoires qu’il faudrait suivre pour respecter l’Accord de Paris de 2015 (+1,5 degré de réchauffement en 2050). Un constat s’impose : on est très loin du compte.

Pour réaliser son étude, la société s’est appuyée sur le tout premier bilan carbone réalisé par un événement sportif mondial, celui de la Coupe du monde de rugby 2007, déjà organisée en France. Les émissions étaient alors d’environ 570 000 tonnes d’équivalent CO2. L’estimation de 2023 est de près de 640 000 tonnes et il faudrait descendre à 190 000 tonnes pour respecter l’accord climat. Cela suppose de diviser par trois les émissions ! C’est cependant 10 fois moindre que la Coupe du monde de football au Qatar l’an dernier, avec ses 6 millions de tonnes de CO2. Pour la méthodologie, Sami a appliqué la trajectoire SBT (Science Based Targets), qui implique une baisse des émissions de 4,2% par an. Les postes à plus fort impact sont, dans l’ordre, les déplacements (73,3% des émissions), l’hébergement et la restauration (13,8%) et le numérique, à travers les retransmissions (10,3%). 

« Cette étude permet de se représenter les ordres de grandeur et de concentrer les efforts sur les postes les plus émissifs, décrypte Paul Delanoë, consultant carbone chez Sami. On voit que les trois quarts des émissions proviennent des transports des spectateurs. Les 20 000 supporters australiens et néo-zélandais attendus pèsent à eux seuls 1/6e des émissions totales, sachant qu’un aller-retour France-Nouvelle-Zélande équivaut à 6 tonnes de CO2. » La conclusion logique est de limiter le nombre de supporters non-Européens, et d’inciter les autres nations à prendre le train. Sami préconise une politique drastique de quotas de 1% de non-Européens versus 99% d’Européens. La proportion est actuellement de 20/80.

« C’est un objectif très ambitieux qui suppose de repenser complètement l’événement, reconnaît Paul Delanoë. On propose d’organiser des fan zones délocalisées, des sortes de coupes du monde en miniature à Auckland, Christchurch, Canberra ou New York, qui accueilleraient d’anciens joueurs, des consultants, des animations, en plus des diffusions des matchs. Cela aurait aussi une fonction sociale en permettant à plus d’habitants des antipodes de participer à l’événement. » D’autant que les citoyens des Fidji, des Tonga et des Samoa, nations de rugby, sont concernés au premier chef par le dérèglement climatique. Dans la mesure où il existe une rotation entre les continents pour l’organisation de la Coupe du monde (la précédente a eu lieu au Japon, la prochaine doit se tenir en Australie), les spectateurs lésés une année pourraient se rattraper lors de l’édition suivante. 

Athlètes pour la planète

La révolution culturelle à opérer apparaît colossale pour un événement sportif voué à fédérer les peuples, et dont les retombées touristiques sont scrutées de près par les pays organisateurs. Malgré leurs engagements pour l’écoresponsabilité, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 s’attendent à accueillir le monde à une toute autre échelle que la Coupe du monde de rugby. « L’avantage de ces jeux, comme de la Coupe du monde, est qu’ils nécessitent très peu de constructions nouvelles, souligne Paul Delanoë. La Coupe de monde au Qatar l’a montré : l’attribution de grands événements dans des villes sans les infrastructures suffisantes est un non-sens écologique. »

Le secteur du sport s’est déjà saisi de l’enjeu environnemental, avec des initiatives comme l’événement prospectif Sport for Future, dont la deuxième édition a eu lieu début août à Chamonix, ou encore le label Fair Play for Planet, créé par l’ancien rugbyman international Julien Pierre. Ce label s'adresse aux clubs amateurs et professionnels, aux sites et aux événements sportifs, pour les aider à réduire leur impact environnemental autour de 350 critères. L’Olympique lyonnais fait partie des premiers labellisés.

Un article de Novethic du 20 août rappelait les prises de conscience d’athlètes comme le champion français de trail Xavier Thévenard ou la sprinteuse britannique Innes FitzGerald, qui ne participent plus à des compétitions lointaines. Le navigateur Stan Thuret a mis un terme à sa carrière professionnelle, déclarant au micro de France Inter en février dernier : « Ce métier de skipper, il n’est plus soutenable, il ne fait pas du bien à la planète. » On attend encore que des leaders d’opinion donnent l’exemple – on se souvient de Kylian Mbappé hilare à l’évocation de déplacements de l’équipe du PSG en char à voile. « Le sport est porteur de valeurs, la sensibilisation des supporters par leur club aurait beaucoup plus de poids que ce que pourrait faire une entreprise », assure Paul Delanoë, au nom de Sami. La société n’a pas présenté son étude au RWC, l’organisateur de la Coupe du monde de rugby, mais on espère que les instances décisionnaires sauront prendre la balle au bond. 

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