Avec l’appui de son agence Starcom, McDonald’s fait une apparition remarquée dès le début de la saison 3 d’Emily in Paris, série phare de Netflix. Une opération qui dépoussière le placement de produit.
D’un côté, la plus française des séries américaines du moment. De l’autre, la plus américaine des enseignes françaises, avec 1 500 restaurants disséminés aux quatre coins du pays. Autant dire que ces deux-là avaient tout pour se rencontrer. C’est ce que se dit immédiatement, plus d’un an en arrière, Paul Boulangé, président de l’agence Starcom (Publicis Media), convaincu que l’alliance entre Emily in Paris et McDonald’s - contre-intuitive - a en réalité des allures d’évidence. Une conviction que McDonald’s France partage tout aussi rapidement, au point de mettre en place une collaboration innovante associant la série Netflix et l’enseigne, devenue le temps du premier épisode de la saison 3 un élément à part entière de l’intrigue. Décryptage d’une opération qui dépasse de très loin le simple placement de produit.
Une opération réfléchie très en amont
Forcément, une telle opération ne se décide pas du jour au lendemain. Sans oublier la nécessité de convaincre une série réputée bling-bling de faire figurer McDonald’s au menu. Tout sauf une évidence. « La proposition a été moyennement comprise dans un premier temps, la série cherchant plutôt à s’attacher le concours de marques de mode ou de luxe par rapport à son univers. Mais il n’a pas fallu longtemps pour prouver à Netflix et aux équipes du réalisateur Darren Star, le bien-fondé de cette association », rembobine Anne Lainé, directrice marketing de McDonald’s France. « C’est une stratégie qui nécessite une forme de lâcher prise car le but n’était pas de multiplier les allers-retours et de faire preuve d’ingérence dans le scénario ou la réalisation. D’autant que les délais étaient particulièrement serrés. Le fait que cela ait été bien scripté sécurisait un certain nombre d’éléments », ajoute Paul Boulangé. Et à les écouter, le résultat dépasse largement les attentes. Alors que plusieurs marques apparaissent dans l’épisode, « seul McDonald’s a droit à une telle scénarisation », souligne la directrice marketing quant à une « exposition totale de 7 minutes qui s’inscrit au cœur de l’intrigue ». Venue dans la capitale pour travailler au sein d’une agence de marketing de luxe, Emily Cooper a en effet l’opportunité de créer une campagne pour McDonald’s afin de promouvoir le McBaguette. L’occasion pour la jeune Américaine de s’attabler au McDonald’s des Champs-Élysées, présenté sous son meilleur jour. Sidérée, elle s’exclame : « C’est du McDonald’s, mais adapté à la culture française ». Cerise sur le gâteau : des dialogues incluant certains clins d’œil comme le slogan « I’m lovin it » ou l’expression « petits plaisirs », en écho à la gamme du même nom.
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Un dispositif pensé dans les moindres détails
Mais penser que McDonald’s puisse se contenter d’une apparition - aussi significative soit-elle - serait mal connaître l’enseigne de fast food, qui a profité de ce momentum pour déployer en parallèle un dispositif aux rouages parfaitement huilés. Dans la lignée des famous orders - commandes typiques adoptées par des stars comme Travis Scott, Mariah Carey, Cardi B ou Magic Johnson - ayant fait la renommée de la marque outre-Atlantique, « l’objectif consistait à créer le premier famous order d’un personnage fictionnel, en l’occurrence Emily Cooper », retrace Anne Lainé. Une stratégie doublée d’un volet commercial incarné par le menu Emily in Paris, commercialisé durant trois semaines en parallèle de la sortie de la saison 3, intervenue en décembre 2022. Outre le McBaguette, s’y côtoient une eau gazeuse, des frites et deux macarons. Preuve supplémentaire du soin apporté pour décliner l’opération, une collection de sacs en édition limitée a été développée en collaboration avec Netflix et la marque de maroquinerie Tammy & Benjamin. La griffe a imaginé un sac couleur lilas baptisé McBaguette, dont les mesures correspondent au centimètre près au sandwich de McDonald’s. Le tout sans omettre une vaste campagne de communication 360 sur le sujet avec le concours de l’agence TBWA Paris. Difficile de passer inaperçu dans de telles conditions.
Une stratégie de marque cohérente sur le papier
« Pour revenir au point de départ de l’opération, celle-ci s’inscrit dans la stratégie au long cours de la marque, née notamment des enseignements du rapport de la Fondation Jean Jaurès. Celui-ci mettait en évidence le fait que McDonald’s était devenu le nouveau bistrot des Français, un lieu en mesure de rassembler tous les types de publics, indépendamment des catégories socio-professionnelles. L’enjeu est d’aller encore plus loin pour montrer et surtout signifier à quel point l’enseigne est au cœur de la vie des Français », recontextualise la directrice marketing. Et, en dépit des critiques récurrentes quant à la capacité de la série à empiler les clichés, quoi de mieux qu’un écrin comme Emily in Paris pour en convaincre le grand public en France et à l’international ? Un mois après sa sortie sur la plateforme, la saison 3 cumulait déjà près de 52,3 millions de visionnages. Autrement dit, la garantie d’une visibilité maximale, tout en légitimant un rôle majeur dans le quotidien des Français, dont l’amour pour la chaîne ne se dément pas au fil des ans.
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Une collaboration gagnant-gagnant
Au-delà des intérêts de McDonald’s - +25% de ventes pour le McBaguette vis-à-vis de la vague précédente d’octobre ou encore 30 millions de vues organiques sur TikTok -, le tour de force de l’opération réside probablement dans le travail de coécriture et les bénéfices mutuels que les deux parties ont su tirer de l’opération. « La marque a apporté un élément de narration supplémentaire à la fiction », considère ainsi Paul Boulangé, appuyé par Anne Lainé, pour qui ce concept « malin » a aussi du sens pour Netflix avec un propos « crédible » et « intégré » au sein d’une série qui pourrait être financée quasiment en intégralité par le placement de produits, comme le rappelaient il y a peu Les Echos. « On connaissait le placement de produit mais aujourd’hui, cela ne suffit pas. Écrire une marque tout au long de l’année sur l’ensemble des points de contact constitue la clé de la réussite. En l’espèce, il ne s’agit pas simplement d’un coup mais de l’expression d’un travail stratégique de deux ans », conclut le président de Starcom. De quoi jouer in fine les premiers rôles.