Confiseries
Plus de 50 ans après leur apparition, les blagues sont devenues indissociables de Carambar, qui devrait, sauf surprise, raviver la flamme lors de sa prochaine prise de parole d’envergure, début 2022.

Ces derniers temps, Carambar se fait discret. Excepté les lancements de produits, à l’image des versions sucette et guimauve, la marque communique peu et se répand encore moins dans les médias. Ne serait-ce que pour évoquer son lien inséparable avec les blagues. Il y a de bonnes raisons à cela. En proie à des remous durables après l’annonce de la fermeture de l’usine historique de Marcq-en-Barœul (Nord), le groupe Carambar&Co (Carambar, Lutti, Poulain, La Pie qui chante…) fait plutôt parler de lui sur le front social. La direction et les salariés s’opposent quant à un plan social qui pourrait déboucher sur des suppressions de postes et des baisses de salaires. En novembre, le numéro 2 des bonbons en France annonce la fermeture de l’usine où tout a commencé et le licenciement des 114 salariés. Le projet prévoit de reclasser 105 salariés sur le site voisin de Lutti, à Bondues, à la suite du rachat du numéro 3 du marché par Carambar&Co fin 2018. Sauf que cette réorganisation s’accompagne d’un lifting salarial pouvant aller jusqu’à -22%, selon les syndicats qui dénoncent un « tour de passe-passe » et pour qui ce « reclassement » n’est qu’un « transfert d’activité qui ne doit pas donner lieu à des licenciements ». De quoi pousser Virginie Le Blan, maître de conférences à la faculté catholique de droit de Lille, à ironiser en parlant de « délocalisation locale » à 20 Minutes début février. Depuis, silence radio. Les syndicats ont pourtant prévenu : « La FGA-CFDT sera (…) vigilante sur le sort réservé aux salariés du groupe CPK-Carambar&Co qui met en avant une production 100% française avec des produits de qualité supérieure et qui peut se targuer d’excellents résultats (volumes usines qui dépassent de 7% les prévisions, +1M€ de dépassement de l'EBITDA prévu en 2020, vente de chocolats en 2020 en augmentation de +20%, résultats à l’export très bons…) »

Histoire mouvementée

On l’aura compris, l’ambiance n’est pas à la plaisanterie. Pourtant, c’est en grande partie grâce à l’humour que Carambar s’est construit une place à part dans le patrimoine collectif. Si la marque est née en 1954, ce n’est qu’en 1969 qu’elle introduit les blagues au verso de son emballage. L’humour Carambar -enfantin, décalé ou même douteux, c’est selon- vient de voir le jour. Un fil rouge que la marque va tisser au fil des décennies en dépit d’un destin n’ayant rien d’un long fleuve tranquille. En 1965, la Générale Alimentaire rachète l'entreprise Delespaul-Havez et avec Carambar qui s’orthographie alors Caram’Bar. En 1980, Carambar passe dans le giron de l'entreprise française Danone puis rallie Cadbury en 1986. Sous la houlette de l’entreprise britannique, la marque connaît un âge d’or symbolisé par plusieurs innovations marquantes (Éloustic en 1995, Atomic en 1998, Carambar Cola en 1999…). Le 20 janvier 2010, l'entreprise américaine Kraft Foods s’offre Cadbury pour 13 milliards d'euros. Puis, en octobre 2012, Carambar passe sous pavillon Mondelez International, issu d'une scission avec Kraft Foods. Le 23 octobre 2015, Mondelez International met en vente une partie de sa division confiserie et se sépare de la marque. En mai 2017, Carambar, Kréma, La Pie qui chante, Vichy, Poulain et Suchard sont finalement cédés au fonds d'investissement français Eurazeo pour 250 millions d'euros environ. Ces marques sont alors regroupées au sein de Carambar&Co.

Forcément, avec un tel historique et des obédiences à la fois anglo-saxonnes et latines, difficile de s’attendre à une histoire publicitaire commune. Et pourtant. Quelles que soient ses agences, Carambar a systématiquement fait de l’humour sa signature. En 2008, la marque s’offre par exemple Elie Semoun pour vendre les derniers nés de la gamme avec une campagne empruntant aux fameuses « annonces » de l’humoriste. Ce dernier signe même plus de 300 nouvelles blagues. En mars 2010, alors sous étendard Cadbury, la marque sort Les « carambarrés » avec le concours de BDDP Unlimited. Une campagne pastichant la mythique scène de Basic Instinct, dans laquelle figure en lieu et place de Sharon Stone un cube de caramel faisant monter la température en interrogatoire. De là à voir Carambar bloqué dans un schéma répétitif ? Pas nécessairement, comme le prouve l’opération développée en 2013 avec Fred&Farid Paris, probablement son plus beau coup à ce jour. Dans un communiqué diffusé le 22 mars, Carambar annonce que les blagues seront remplacées par des questions de culture générale. L'affaire prend rapidement de l’ampleur. Les consommateurs crient au scandale et créent une page Facebook ainsi qu’une pétition pour exorciser leur désarroi. Surprise par ce soulèvement et les retombées, la marque décide de révéler la supercherie le 25 mars, une semaine avant la date initialement prévue. C’était une blague évidemment. Sans achat média, celle-ci génère 55 000 tweets et près d’un millier de mentions en TV, radio et presse. « Les consommateurs disent que nos blagues sont vaseuses mais nous voulions leur montrer qu'ils y étaient attachés. C'est souvent lorsque l'on perd quelque chose que l'on se rend compte de son importance », soulignait à l’époque Magali Mirault, chef de marques bonbons chez Mondelez International, quant à une opération ayant permis à la marque de faire un bond en termes de ventes dès les semaines suivantes.

Registre conversationnel

Dans le sillage de cet acte fondateur, la collaboration entre Fred&Farid et Carambar va se poursuivre les années suivantes. S’ensuit la campagne « La blague à 1 franc » en 2015, puis, deux ans plus tard, l’opération « Le rédacteur Carambar », proposant d’enquêter à la recherche du fameux rédacteur des blagues. Sans omettre les « blagues 2.0 » en 2019, visant à dépoussiérer la mécanique en s’appropriant les codes de la réalité augmentée. Car c’est une autre marque de fabrique de Carambar : engager ses publics dans un registre conversationnel que reflète la possibilité pour tout un chacun de transmettre ses traits d’humour ou la politique éditoriale de ses réseaux sociaux, largement désinvestis ces derniers mois. Après la dernière prise de parole de grande ampleur de la marque en 2017, assortie d’une signature neuve (« Carambar, c’est de la barre »), une « très belle actualité » serait prévue « début 2022 » à en croire Pascale Infante, directrice marketing chez Carambar&Co, qui ne souhaite pas en dire plus à ce stade. Peu de doute toutefois que l’humour ne soit pas au rendez-vous. Sous peine de faire une très mauvaise blague à ses consommateurs.

Chiffres clés

5 000 Le nombre de blagues publiées par la marque depuis sa création

82 000 kilomètres L’équivalent de la production annuelle de Carambar, soit près de deux fois le tour de la planète

30 millions d’euros Investissements publicitaires bruts 2020 du groupe Carambar&Co (Carambar, Lutti, Malabar, Kréma, Poulain…) selon Kantar Media

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