Tribune
Face à la défiance de nombreux Français vis-à-vis du futur vaccin pour le Covid-19, Il sera impératif de communiquer autrement pour encourager la vaccination. Trois postures sont possibles : jouer sur l'empathie, l'autonomie ou l'utilité.

Malgré la deuxième vague, malgré le confinement, la méfiance des Français envers le (futur) vaccin contre le Covid ne cesse d’augmenter. Selon Ipsos, à peine la moitié des Français envisage de se faire vacciner. C’est une baisse de 10 points, et une sorte de record mondial, à l’envers. Face à cette double crise de confiance (envers le vaccin et envers les autorités de santé), le gouvernement semble être tenté par une posture encore plus verticale, ou par le vaccin obligatoire. Au risque de faire basculer largement des sceptiques dans le camp des refuzniks.

Bien sûr, certains de nos concitoyens, pris dans les rets des «antivax» ou dans la circulation d’intox, ne peuvent plus être convaincus. Le succès du film Hold-Up est sans doute un marqueur haut de cette dissociation. Pour la grande majorité des Français, ce sont pourtant des raisons rationnelles qui les font hésiter : malgré les morts, malgré la catastrophe économique, la probabilité individuelle d’une forme grave de la maladie est trop faible pour compenser le risque perçu d’un vaccin que tout le monde annonce comme «accéléré».

Dans ce contexte, il faudra communiquer pour encourager l’adoption du vaccin. Mais les recettes habituelles de la publicité risquent de ne pas servir à grand-chose ou, pire, «peuvent, pour certains, augmenter les incompréhensions ou réduire l’intention de se faire vacciner», selon une étude de Bredan Nyhan sur le vaccin ROR en 2014. Au contraire, réussir cette campagne suppose de dépasser le constat du triste record de défiance que notre pays tient. C'est l'occasion de changer radicalement de posture, en osant la confiance à l'égard des sceptiques, qui sont majoritaires.

Le doute est naturel

Alors comment faire ? Trois postures nous semblent permettre de faire changer les convictions et surtout les comportements. D’abord, l’empathie. La première chose à faire, c’est d’accueillir le doute, surtout à un niveau aussi massif. Comme le dit Heidi Larson, du Vaccine Confidence Project au New York Times, ceux qui hésitent ne sont pas contre la science, mais «posent des questions sincères et recherchent des conseils». Et là, disons-le, le doute est naturel, voire normal. En réponse, il faut reconnaître que les questions sont légitimes, et lister puis répondre aux arguments «contre», en faisant parler des tiers experts plutôt que les politiques, en multipliant les points de vue nuancés.

Mais l’empathie, c’est aussi rappeler que la meilleure raison de se faire vacciner est altruiste : pour ne pas risquer de contaminer quelqu’un de fragile, plutôt que de se protéger soi-même quand beaucoup pensent (à tort) ne pas risquer grand-chose. «La question de la culpabilité [est] centrale dans des familles de malades», comme l’explique l’infectiologue Gilles Pialoux dans Le Monde. C’est le cœur du message à passer. C’est aussi plus audible que de chercher à rappeler encore le risque de cas graves, quand une grande partie de la population a appris à regarder ailleurs.

Eviter les slogans

Autre posture possible, l’autonomie. La décision de se faire vacciner ou non est individuelle, et nous croyons qu’elle sera prise au sérieux, débattue autour de soi. Dans ce cadre discursif où vont entrer des arguments fondés et d’autres moins, rappelons que des gens bien informés ont toutes les chances de faire les bons choix. Cela veut dire éviter les slogans et donner les clés, partager les études, détailler largement le processus de sélection qui a permis de rendre acceptable le candidat vaccin. Cela implique aussi de rappeler à chaque fois «c’est votre choix», à rebours de la tentation de l’obligation.

Enfin, l’utilité. Plutôt que de bombarder de messages dans des médias à sens unique, il y a deux relais essentiels. D’abord, bien sûr, les professionnels de santé, qui doivent pouvoir répondre aux interrogations de leur patients. Ensuite, le numérique, pour toucher massivement les Français et leur donner accès à l’ensemble de la connaissance disponible (dans l’esprit du site Vaccination Info Service, qui tarde à être mis à jour). Le digital aide à passer à l’action, en indiquant les modalités, les centres, bref en facilitant au maximum les démarches dans une approche de «nudge».

Plutôt que de joindre le chœur de ceux qui se lamentent sur le «manque de responsabilité» des Français, cette campagne qui vient est pour nous une occasion de prendre le public au sérieux. Ce qui s'y joue, c'est bien la cohésion d'un peuple paradoxal, défiant, certes, en quête d'autorités auxquelles se confronter, certes, mais qui a surtout envie et besoin d'être écouté, accompagné, compris.

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