«Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde.» Ces mots, souvent attribués à Albert Camus, résonnent avec intensité dans l’esprit de tout créateur de marques. Mais qu’est-ce donc que «mal nommer» dans notre métier ? Serait-ce affubler un produit ou une entreprise d’une marque qui travestit tant sa réalité qu’elle induirait ses publics en erreur ? Aboutir à un nom cryptique et excluant ? Ou encore faire fi de nuances culturelles, linguistiques ou générationnelles, au risque qu’un nom soit ignoré par ses publics ou pire, moqué, détourné ? Ou tout cela en même temps.
Nommer bien, trouver le nom juste serait, a contrario, ajouter au bonheur du monde. Le collectif d’artistes espagnols Boa Mistura l’a bien compris. Ses membres ont eu l’idée de peindre les mots amour, poésie ou encore magie dans les rues des favelas de Sao Paolo. La mise en beauté de ces mots et leur signification ont quelque peu réenchanté les lieux, la vie et les liens entre les humains.
Le naming n’est pas la représentation d'une chose belle mais la belle représentation d'une chose. Quel meilleur why pour des spécialistes internationaux du naming ? Et surtout quelle responsabilité ! Car le beau ou le bon nom devient alors facteur d’ouverture, de rassemblement et de partage de valeurs.
Exigences affûtées
Avec la crise sanitaire, les exigences des consommateurs envers les marques se sont encore affûtées. Selon une étude européenne menée par Oney & Opinion Way en février 2020, 90% d’entre eux attendent désormais des marques qu’elles s’engagent pour les aider à mieux consommer. Devenus «consommacteurs», ils plébiscitent les annonceurs «utiles», ceux qui parlent moins d’eux et davantage de leurs actions, en toute transparence. Dans ce contexte en pleine évolution, le naming doit prendre sa juste part. Créer de belles marques, c’est façonner un monde plus appétent certes, mais aussi plus percutant pour les clients. Un monde plus performant à terme pour les entreprises engagées.
Nous sommes passés dans l’ère des assistants vocaux. Aujourd’hui, selon la dernière étude Voicebot, les recherches portent sur les services associés à un produit (43,4%) ou permettent aux consommateurs de mieux choisir un produit (24,6%). Le nom se doit d’être le plus euphonique et le plus évocateur possible pour pouvoir résonner auprès de la cible la plus large. Parler à tous les cœurs pour susciter adhésion et engagement, à l’écrit comme à l’oral, dans le monde entier. Car en effet, la création de nom ne peut plus se penser à la seule échelle nationale. Dans un monde qui vibre à l’unisson, pour le pire comme pour le meilleur, la dimension locale ne suffit plus.
Imaginer des marques universelles est un acte créatif. C’est aussi un acte profondément politique au sens premier du terme. Inspirer les citoyens du monde, c’est leur donner à voir du beau à travers des noms évocateurs, originaux, faits d’aspérités, de nuances, capables d’être en phase avec des imaginaires et des langues forcément plurielles. Créer le beau pour réenchanter le monde, localement et universellement.