Tribune
La crise liée au Covid-19 a révélé une capacité sans précédent des marques à se mettre en mouvement rapidement pour servir le bien commun. Comment peuvent-elles alors continuer à agir durablement et endosser leur rôle d’entreprise à mission par des actes concrets ?

Cette crise que nous traversons met en lumière ce qui n’était encore que des signaux faibles il y a quelques mois, poussant les entreprises à innover, que ce soit pour le bien des citoyens - avec la production de masques et de gel hydroalcoolique - ou celui des clients, avec la mise en place de nouveaux services. C'est le cas par exemple de BlaBlaCar, qui a développé l’application mobile BlaBlaHelp pour aider la communauté au quotidien à trouver des personnes à proximité prêtes à s’entraider pour faire leurs courses. En magasin, l’expérience d’achat se rapproche de plus de plus du personal shopping : prise de rendez-vous avant de venir en boutique, service de «Call and Collect» où le conseiller de vente présente les vêtements par visioconférence au client pour que celui-ci vienne ensuite récupérer ses achats directement en caisse...

Ainsi, ces dernières semaines, les entreprises ont dû prouver leur réel engagement éco-responsable et sociétal qu’elles clamaient depuis des mois en discours marketing. Fini les jeux de mots enjôleurs. Chacune des promesses portées en communication doit être honorée d’actions utiles, concrètes et immédiates, ouvrant ainsi une nouvelle voie, celle de l’altruisme capitalistique qui rendra enfin possible l’équilibre entre abondance financière et bien commun. Certaines grandes marques en avaient déjà fait leur ligne de conduite avant le confinement. C’est le cas de Patagonia, marque de vêtements outdoor qui, dès les années 80, s’est engagée dans une démarche éco-responsable en proposant des vêtements éco-conçus et en mettant en œuvre différentes actions en faveur de la préservation de l’environnement. Sur le site de la marque est d’ailleurs inscrit : «Nous voulons utiliser les ressources à notre disposition - notre voix, notre entreprise et notre communauté - pour agir contre le changement climatique».

En France, plusieurs sociétés sont ou souhaitent devenir des entreprises à mission - Nature et Découvertes, MAIF, Danone - afin de montrer leur utilité à la société. Depuis le 17 mars dernier, la tendance s’est accélérée, avec d’autres initiatives comme celle d’AirBnB, nommée «Appart Solidaire», qui a permis, avec le soutien du gouvernement et seulement un mois après son lancement, de mettre gratuitement près de 9000 logements à la disposition du personnel soignant, des travailleurs sociaux...

La mission profonde, une nouvelle boussole

Cette mise en mouvement des entreprises ne doit cependant pas se faire de façon opportuniste, mais au travers d’actions porteuses de sens, alignées avec les valeurs de la marque. La mission profonde de chaque entreprise devient alors sa nouvelle boussole pour construire des actions stratégiques durables qui vont servir à la fois ses enjeux marketing mais aussi un objectif de bien-être collectif plus global. Chacune se doit de créer des produits et services utiles pour résoudre des problèmes de tous les jours et simplifier la vie des citoyens-consommateurs. Par exemple, la marque de cosmétiques Lush a pris des engagements forts, comme elle l'affirme sur son site : «Chez Lush, nous n'aimons pas nous targuer d'être une entreprise éthique. Nous trouvons le concept assez compliqué à appréhender, parce qu'il nous semble que ce terme est utilisé pour décrire des entreprises qui s'efforcent de ne pas nuire à la planète ou aux êtres humains ; or, selon nous, cet objectif ne devrait pas être considéré comme "éthique", mais comme la norme pour toutes les entreprises.»

Comment continuer alors à chercher à activer les émotions du consommateur pour des prétextes mercantiles, comme l’achat d’une lampe ou d’un maillot de bain, lorsque ces dernières semaines, les opérations de sensibilisation ont permis de soutenir des causes bien plus porteuses de sens ? C’est peut-être l’occasion pour les marques de prendre conscience qu’il est temps de cesser le surjeu émotionnel : il n’est pas nécessaire de faire pleurer les audiences TV pour les inciter à acheter un robot électroménager ! Cela décrédibilise la marque, ses valeurs, et le décalage entre l'émotion générée et l'aspect mercantile met mal à l'aise, comme ces publicités il y a quelques années dans lesquelles des femmes étaient souvent à moitié nues pour vendre un pot de yaourt ou une crème de soin. Cette démarche sincère doit aussi se traduire dans chacune des actions de l’entreprise, y compris en interne, et notamment sur la façon dont les données des clients sont traitées, dans un souci de respect des consignes RGPD.

A l’instar de Steve Jobs qui avait pour devise «think different», les entreprises doivent aujourd'hui «agir différemment» en s’engageant avec sagesse à servir le client sur le long terme et, en même temps, à apporter sa contribution au collectif dans une approche «care world».

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