La pénurie de professionnels pousse le secteur de l’événementiel à créer des formations et à faire évoluer les formats pédagogiques. Les résultats ne seront pas pour autant immédiats. En attendant, il faut maintenir l’effort et une pluralité d’offres. Tour d’horizon.

L’événementiel, comme beaucoup d’autres, n’a pas échappé aux problèmes de pénurie de talents. Particulièrement visible depuis la crise sanitaire, le phénomène est une réalité depuis plus longtemps et trouve (en partie) son explication dans la méconnaissance des métiers et des acteurs du secteur par les jeunes, estime Pierre-Louis Roucaries, vice-président de l’Unimev, qui fédère les lieux événementiels, les organisateurs et les prestataires de la filière : « Les jeunes générations connaissent les produits sur lesquels nous travaillons mais absolument pas ou peu les entreprises qui réalisent ces événements. »

Pour y remédier, l’association a créé en 2022, avec l’Isefac, un CFA des métiers de l’événementiel, qui prépare à un titre RNCP de niveau 6 (bac + 3) de chef de projet événementiel. « La première promotion d’une quarantaine d’étudiants sortira cette année, explique le responsable de l’Unimev. Nous allons faire un point en fin d’année avec l’Isefac sur les retours des entreprises pour éventuellement faire évoluer la formation. Nous réfléchissons aussi au lancement d’une formation bac + 5, un RNCP de niveau 7. »

Transformation

Les formations existantes évoluent aussi pour s’adapter à un environnement changeant. La transformation de Lécole en Institut supérieur de l’événement illustre ce mouvement. Fondée avec l’appui de Lévénement et l’Unimev, elle formait entre 15 et 25 étudiants par an dans des conditions originales. « Nous ne délivrions pas de diplômes, c’est-à-dire de titre professionnel de niveau 7, donc de niveau bac + 5, mais nos étudiants étaient formés conformément aux attentes des employeurs », souligne Hubert Dupuy, directeur de l’établissement.

Ce business model a buté sur deux obstacles : la difficulté à recruter des étudiants sur un marché des masters très concurrentiel et la pandémie de covid qui a semé le doute quant au futur du métier mais aussi poussé le gouvernement à débloquer des aides toujours plus importantes pour l’apprentissage. Pour franchir ce gué, Lécole a fait muter son modèle. En 2023, le Collège de Paris est devenu son actionnaire majoritaire et lui a permis de devenir un CFA. « Aujourd’hui, notre offre a changé : elle est devenue de l’apprentissage, précise Hubert Dupuy, c’est-à-dire qu’elle est gratuite pour nos étudiants, ils sont même rémunérés dans le cadre de l’apprentissage. Et leur cursus se conclut avec un titre RNCP de niveau 6 (bac + 3) ou 7 (bac + 5). Être un CFA nous apporte des avantages en termes de diversité et d’intégration professionnelle. » La nouvelle structure compte quadrupler ses effectifs et former chaque année 80 à 90 étudiants.

Prévoir l’après

La demande est en expansion constante, constate aussi Katia Pallu, directrice des écoles de Paris du groupe EDH : « Les annonceurs créent des services dédiés à l’événementiel. De la même façon apparaissent des prestations événementielles dans de nouveaux lieux : des châteaux, des monuments classés ou des restaurants. » Avec des promotions de 80 à 90 étudiants, le MBA communication et management événementiel de l’Efap permet, selon la responsable, d’accéder à différentes fonctions : directeur de projet ou de production, responsable de communication événementielle chez l’annonceur ou responsable des activations de marque dans une agence généraliste.

De son côté, l’Iscom mise sur une approche encore plus généraliste, selon Laurence Gosse, directrice scientifique de l’établissement : « Le MBA événementiel et scénographie comprend des cours spécifiques à l’événementiel, mais aussi des enseignements en communication de crise et mediatraining par exemple, car un événement peut être naturellement soumis à des aléas qu’il faut savoir affronter. »

Cette approche doit aussi permettre aux diplômés de préparer leur évolution professionnelle, car le métier garde ses particularités d’après Laurence Gosse : « Nos étudiants comprennent rapidement que les métiers de l’événementiel demandent une très grande disponibilité. L’événementiel est un métier passion, où l’on ne fait pas du 9 heures-17 heures. Beaucoup d’entre eux envisagent de travailler dans ce secteur pendant cinq à dix ans, avant de s’orienter potentiellement vers une autre fonction, qui leur permettra de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle. »

Selon la responsable, les diplômés peuvent ainsi évoluer vers d’autres postes, tels que directeur de la communication. Accéder à plusieurs vies professionnelles avec un seul diplôme : la formule mise sur le long terme, un horizon que la filière va devoir incorporer peu à peu.

« Se confronter de manière pratique à cette profession exigeante »

Dimitri Morlet, directeur associé de l’agence de recrutement Lobster

Les formations sont-elles à la hauteur des attentes de la filière ?

On y retrouve une bonne base théorique, même si cela reste un métier de terrain et de bon sens, des cas pratiques et un accès aux premières expériences professionnelles via les stages ou l’alternance. Surtout, cela permet de se confronter de manière pratique à cette profession exigeante et ainsi de rapidement confirmer ou infirmer les vocations. Il me semble que les formations dédiées à l’événementiel sont précieuses car elles permettent de donner de premiers acquis, des expériences et de valider la voie professionnelle choisie. Mais elles n’apprennent pas tout.

La formation assure-t-elle l’embauche ?

J’ai géré une agence événementielle pendant une dizaine d’années avant de créer le cabinet de recrutement Lobster en 2010 et sa filiale Lobster Communication. Dans l’idéal, nous recherchons tous des talents ayant une solide formation, des compétences, de l’expérience et du savoir-être. Pour autant, nos métiers souffrent actuellement d’une forte pénurie de candidats.

Comment arbitrez-vous ?

Je pense que l’expérience et le savoir-être sont essentiels et peuvent faire passer la formation au second plan. Ce ne sont pas systématiquement les candidats ayant les meilleurs diplômes qui se révèlent les meilleurs professionnels.