Cet été, la Région Île-de-France et Publicis Consultants ont passé la vitesse supérieure dans la campagne « Pas la réf ». Dans le but de sensibiliser et non de moraliser, ils tentent d’ouvrir le dialogue auprès des jeunes sur un sujet tabou : le porno. Avec l’aide du youtubeur Théodort, ils souhaitent déconstruire les standards physiques et les pratiques sexuelles véhiculés par le X.
En 2022, 46 % des jeunes de moins de 17 ans ont déjà été confrontés au porno et 53 % expliquent cette consommation par l’envie d’apprendre, recensait la Région Île-de-France. Une consommation qui a explosé depuis le covid et ses nombreux confinements, notamment chez les mineurs. C’est pourquoi la collectivité locale a décidé de se mobiliser en sensibilisant les parents et surtout leurs enfants sur le sujet de la pornographie. Ainsi, en 2022, accompagnée de son agence Publicis Consultants, l’instance publique a construit en préambule une page Instagram « Pas la réf » – sous-entendue ce n’est pas la référence – permettant de comprendre les usages des jeunes vis-à-vis du porno et surtout d’instaurer un dialogue avec eux. Une fois le message identifié, l’agence a proposé à la Région de développer un dispositif 360 pour promouvoir « Pas la réf ». « En 2023, nous avons imaginé une deuxième vague de communication que l’on voulait beaucoup plus ciblée sur les lycéens. Dans le but de faire prendre conscience de la violence du porno, de ce que pouvait engendrer ce mythe et qu’il s’agit majoritairement de “fake”, que cela ne devienne pas la référence justement », avance Laurent Glépin, vice-président de Publicis Consultants.
Mais parler de porno, qui plus est avec des jeunes, n’est pas chose facile. Le sujet reste tabou. Alors plutôt que de créer un énième moment de malaise, l’agence a souhaité incarner cette campagne avec un youtubeur, très suivi par cette communauté, Théodort. « Il a de suite été emballé par le projet. En plus de détenir une forte audience, Théodort possède une liberté de ton. À partir d’une piste créative que nous avons proposée, ses équipes ont pensé et rédigé le projet. Il a même convié sa propre boîte de production et son réalisateur Hadrien Genest pour le tournage. Nous ne catégorisons pas le porno comme mauvais, mais nous voulons rappeler que ce n’est pas la réalité », pointe le vice-président de Publicis Consultants. En trois jours, dans un studio, toute l’équipe réalise une campagne aux allures de court-métrage. Ce dernier montre les coulisses d’un tournage de film X avec le youtubeur en personnage principal, hyperexcité à l’idée de jouer lui-même dans un film porno. Mais très vite, c’est la désillusion. Les actrices jouissent sur commande, le réalisateur, Quentin Tarantanal, accumule les clichés et les standards physiques sont pipés…
Des retours positifs
Le spectateur vit à travers Théodort l’envers du décor. « Nous avons eu pas mal d’échanges avec Théodort pour ajuster les choses mais à aucun moment il n’est allé trop loin dans les propos. L’enjeu était de garder un certain équilibre afin que l’humour ne trahisse pas le message et qu’il n’y ait pas non plus de complaisance avec cette industrie », souligne Perrine Danmanville, directrice de la communication de la région IDF. Cette campagne plutôt audacieuse et au titre plutôt aguicheur, « J’ai joué dans un porno », est sortie sur la chaîne du youtubeur le 30 juillet, « car c’est en période hors scolaire que le porno est surconsommé », rappelle l’agence. En 48 heures, elle a enregistré 800 000 vues. Un mois plus tard, elle en a atteint 1,2 million. « En plus d’être quantitatif, le succès est également qualitatif. Les commentaires sous la vidéo sont positifs, et se mettent d’accord pour dire que nous ne sommes pas tombés dans le racoleur ou dans la caricature. Même le planning familial de la Région a trouvé ça super », rapporte Laurent Glépin.
Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans cette prise de conscience notamment en termes de santé publique. « Bien évidemment, une vidéo ne suffira pas à résoudre le problème. Il faut continuer à faire passer le message que le porno n’est pas un mode d’emploi à suivre pour la sexualité. L’âge moyen d’accès au porno est de dix ans ! Tout comme le sujet de la santé mentale, en tant que pouvoir public, nous essayons d’amorcer les choses, pour que derrière des opérateurs se mobilisent », explique Perrine Danmanville. Oui au plaisir, mais à un plaisir responsable.