Dans ce nouvel épisode de cette chronique consacrée à l'intelligence artificielle, Ronan Le Goff, co-directeur de La Netscouade, s'intéresse à la créativité que peuvent susciter les IA.
Cette chronique n’a pas été écrite avec l’aide de ChatGPT. Vous m’excuserez par avance de la perte de qualité de 18%. Si le chiffre est si précis, c’est qu’il provient d’une étude du MIT, publiée dans Science. Selon les chercheurs, l'intégration de l'IA dans le processus d'écriture professionnelle permet non seulement de gagner 40% de temps – une constatation qui ne surprend guère – mais également d'améliorer la qualité du contenu de 18%.
Autrement dit, l’intelligence artificielle amplifie la productivité (+14% en moyenne, d’après une autre étude faisant autorité) tout en rehaussant la qualité de la production globale. On s’éloigne du cliché d’une IA bête et méchante, tout juste capable de débiter de la copie. En réalité, les IA génératives sont capables du meilleur, tant que l’humain sait les dompter et garde la main sur la production finale. ChatGPT peut œuvrer en coulisses, mais les professionnels de la communication digitale doivent conserver le «director’s cut».
Le journaliste et entrepreneur Benoît Raphaël utilise ChatGPT pour générer environ 80% de ses contenus écrits. «Bien sûr, je les révise parfois, mais je n'ai pas constaté de baisse de qualité significative depuis que j'utilise cette approche, m’explique-t-il. L'IA est particulièrement utile pour structurer ses idées, définir comment aborder un sujet et faciliter la rédaction, notamment lorsque l’on doit créer du contenu pour plusieurs plateformes, ce qui peut représenter un gain de temps considérable.»
L'IA transforme la communication digitale
L’IA répond déjà à la problématique de la page blanche, capable d’élaborer rapidement un plan sur un sujet pour lequel l’inspiration et la structuration des idées manquent. Il est possible ensuite d’apprendre à ChatGPT à écrire selon son propre style d’écriture ou selon le public visé. Il ne faut alors plus que quelques prompts (instructions) bien senties pour que l’IA fasse elle-même le travail, telle un ghost writer qui aurait intégré toutes les contraintes de l’écriture de son maître. La nouvelle fonction «Custom Instructions» de ChatGPT permet de gérer spécifiquement cette problématique : plutôt que de devoir répéter dans chaque conversation qui nous sommes et quels sont nos besoins, il est maintenant possible de configurer une bonne fois pour toute son IA. Pour qu’elle devienne vraiment notre assistant personnel.
Au-delà de la productivité, ChatGPT peut apporter un vrai bonus créatif, pour peu que l’on sache bien l’utiliser. Benoît Raphaël en atteste, l’IA constitue un partenaire idéal de brainstorming : «Lorsqu'il n'y a pas toujours un collègue disponible pour discuter et échanger des idées, ChatGPT peut remplir ce rôle en proposant des suggestions initiales ou en élaborant des plans. Dans ma formation, j'ai même simulé une session de brainstorming avec des personnalités telles qu'Oprah Winfrey, Steve Jobs et le directeur d'OpenAI. J'ai soumis des idées à leur discussion, ce qui a permis de générer de nouvelles idées.» C’est tout le paradoxe : pour utiliser au mieux cet outil supposé être imaginatif à notre place, il faut aussi savoir être imaginatif !
La problématique est la même pour les graphistes générant des images avec des outils comme Dall-E ou Midjourney. Pour utiliser au mieux leurs capacités, il faut savoir leur parler avec les mots justes. C’est parce que l’on connaît la culture visuelle sur le bout des doigts que l’on a les références adéquates, que l’on a cet instinct créatif que l’on saura formuler la requête la plus précise, capable de générer une image sortant des standards. L’IA n’est pas magique en tant que telle, elle le devient si on la guide sur les bons rails. Savoir murmurer à l’oreille des machines devient un nouveau type de soft skills. Dans une agence de communication digitale, il faut développer des compétences relationnelles non plus seulement avec ses collègues… mais aussi avec l’IA.