Chaque mois, Philippe Pioli-Lesesvre, directeur de création chez The Good Company, livre son point de vue dans la chronique Good news - Un monde en transition, c’est toujours une bonne nouvelle.
Je l’admets, sans honte, sans détour : la Gen Z m’a perdu quelque part et, je ne me cacherai pas derrière mon petit doigt bientôt ridé, je les trouve parfois bizarres et à tout point de vue décalés.
Mais que se passe-t-il dans leur bulle algorithmique ?! Insaisissables créatures fluides, ils glissent entre les doigts de mon entendement. Enfin, voyez plutôt : Ils font des études poussées pour finalement élever des chèvres les pieds dans la boue, ils se diagnostiquent eux-mêmes, foutent des points au milieu des mots, choisissent leurs pronoms, écoutent un rap d’une autre planète, regardent le monde à travers leur smartphone, inventent des danses bien toc-toc sur TikTok, disent «quoicoubeh» (et je sens bien que ce faisant, ils se payent ma tronche), prennent des drogues obscures ou sont contre la cigarette, ne mangent pas de viande, n’ont parfois pas de sexualité et le revendiquent...
Alors oui, cette description est grossière et fait vieux con. Oui, un critère qui ne se base que sur des dates de naissance est par essence une généralité sans finesse. Je sais également qu’il y a de tout et son contraire chez les Z, comme chez leurs prédécesseurs, que beaucoup de leurs idées étaient là bien avant eux et bricolées par des boomers à l’ancienne… Mais il n’empêche que je ne les comprends pas toujours et c’est une bonne nouvelle.
Ce constat m’est venu autour d’une table. Celle de ma famille plus précisément. Une table où débattent ma mère et ma nièce lors de nos déjeuners dominicaux. Malgré l’amour qui les unit, il est impossible de ne pas voir l’impressionnant gouffre qui les sépare lors des dialogues de sourd qu’elles jouent chaque semaine. Mais qu’aurions-nous espéré ? La véritable bizarrerie eut été que ma nièce soit d’accord avec les vieux de son clan. Le ridicule n’est pas d’être vieux et dépassé mais de faire le jeune, et d’être d’accord avec eux par simple opportunisme ou par vanité. Ne pas comprendre les jeunes est la plus naturelle des choses. C’est peut-être même sain. Que chacun joue son rôle !
Alors oui, c’est inquiétant de les voir débarquer comme ça avec un monde nouveau qui pousse le nôtre vers les archives, mais peut-être devrions-nous anticiper la chose et leur faire une place. Beaucoup d’entre eux peinent à s’insérer dans le milieu professionnel parce qu’ils manquent d’expérience (reproche paradoxalement tout à fait injuste et néanmoins tout à fait justifié). Alors prenons-les pour ce qu’ils sont : des experts de leur époque et de leur génération. Et puis pensez donc à tout ce qui pourrait se produire de chouette dans nos entreprises en confrontant les plus vieux aux plus jeunes. À nous de les former, à eux de nous étonner. Il y aura de la friction, c’est certain, des étincelles, c’est inévitable.
En tentant d’approcher les secrets de l’existence, Héraclite posait que le combat est père de toute chose, que les contraires engendrent la réalité. Alors mélangeons les âges. C’est aussi ça la diversité, et si ça se bagarre, si ça fait des étincelles, tant mieux, dans notre industrie, on les appelle des idées.