Accusé d'encourager la consommation à l’excès, le milieu de la publicité attire de moins en moins les nouveaux talents. C'est pourtant bien de la nouvelle génération que viendra l’évolution du métier de communicant.
Les boomers sont en PLS. La pub, la com, les agences voient chaque jour leur aura s’effacer un peu plus. La grand-messe dominicale de Culture Pub sur M6 a disparu depuis belle lurette et une à une, les stars historiques de la profession sont parties se réfugier sur leurs terres, car la terre, elle, ne ment pas... Alors que les jeunes se bousculaient au portillon dès la sortie des écoles, c’est la croix et la bannière pour garder les talents et en attirer de nouveaux. Il y a dans chaque vieux pro, un jeune qui se demande comment on en est arrivé là, comment la joie et l’enthousiasme se sont étiolés, comment la fascination a laissé la place à la désillusion, et hélas, comment les fils de pub sont bel et bien devenus, aux yeux de certains, des vrais fils de p…
De Sciences Po au Celsa, nombreux sont ceux qui préfèrent aller voir ailleurs. Mille raisons pour cela. En tête, le «marche ou crève» érigé en philosophie de vie, le ruissellement du stress, les harcèlements en tous genres mais surtout, le rapport ambigu à la consommation, la défiance vis-à-vis des marques qui contribuent à faire brûler la planète, la prolifération des carrefours d’audience pour occuper, entre deux scrolls, ce qui nous reste de temps de cerveau disponible.
Inutile de nier. Nos professions, la main sur le cœur, ont servi cette soupe durant des décennies car elles sonnent au diapason des tendances dominantes. Thuriféraires du diesel hier, contempteurs aujourd’hui, elles suivent les vents dominants. Elles ont scruté et adopté les comportements des cibles qu’elles tiraient comme des pigeons. Elles ont entretenu les stéréotypes qui font vendre tant que rien ne les enjoignait à les dénoncer. Elles ont encouragé les excès en privilégiant une idée du progrès fondée sur la seule accession au confort matériel. Quoiqu’il en coûte à l’environnement et à celles et ceux qui, dans les pays émergents, rendait cette course à la consommation possible.
Un momentum favorable
Il y a donc de l’espoir. Car les mentalités évoluent et concomitamment nos métiers évolueront avec elles. Cet état de fait questionne, alerte et mobilise désormais tant les grandes marques que les agences. C’est bien à la com nouvelle génération de s’engouffrer dans cette voie pour réparer ce qui peut l’être, pour accompagner les transformations sociétales dans lesquelles s’engagent les clients éclairés avec à leur tête des équipes sensible à l’«impact» et au «bien commun». Bien sûr, à ce stade, ce sont encore souvent des mots opportuns pour soulager sa conscience. Mais peu à peu, sous la menace législative ou sous le projet d’entreprise, il y a de quoi mobiliser les énergies. Il y a de quoi retrouver ce qui peut nous rendre collectivement fiers de nos métiers de communicants et laisser au vestiaire les tenues désuètes de vendeurs de cravates dont on nous affuble. Le momentum est favorable pour établir un dialogue utile, fertile et respectueux entre agences et annonceurs de bonne volonté.
À cet espoir guidé par la raison et par l’instinct de survie, s’ajoute celui de retrouver la brillance et la créativité sans lesquelles rien ne s’imprime dans nos cerveaux. Il s’agit bien de reprendre la main sur des récits de marque qui ne tiendront désormais que s’ils sont légitimes, que s’ils leur permettent de retrouver une part d’autorité ; celle de l’auteur qui raconte une histoire, pas des histoires. C’est la mission qui s’impose à nous aujourd’hui. Dire les choses telles qu’elles sont parce qu’elles sont avouables et les dire avec légèreté et brio car rien ne peut faire l’impasse du plaisir, du désir et de la jubilation. Non, ce n’était pas mieux avant. Nous disions collectivement n’importe quoi avec talent. Il s’agit aujourd’hui de peser nos mots et nos images avec tout autant d’ambition, d’esprit et de légèreté. Quel beau programme, quelles belles perspectives professionnelles pour ceux qui viennent prendre le relais. Jeunes gens qui voulez changer le monde, soyez-en sûr, la com et la vie d’agence vaut plus que jamais la peine d’être vécue.