[Tribune] Que ce soit dans les présentations qu'elles font à leurs clients ou dans l'automatisation des tâches en interne, les agences de création auraient tout à gagner à davantage se saisir des opportunités offertes par la technologie. Encore faut-il en avoir les moyens.
On ne le voit peut-être pas, mais nous sommes à l’âge de pierre quant à l’utilisation de la technologie en agence de création. Nous sommes les premiers confrontés à des entreprises qui embrassent la technologie pour transformer ou accélérer leur business model mais qu’en est-il de nous ? Prenons l’exemple de l’intelligence artificielle. Nous sommes encore aujourd’hui très dépendants de la main humaine quand il faut trouver un concept, écrire une plateforme de marque ou poser un nouveau branding.
Quand on regarde attentivement nos livrables, surtout en branding, une grande partie de nos mécaniques sont très logiques et normées. Une intelligence artificielle visuelle pourrait comprendre les récurrences de mises en page, la fréquence de certaines normes selon les supports et, in fine, créer toute seule les déclinaisons. Ce que fait Google avec Google Draw peut faire sourire un designer mais il s’agit là de l’embryon de « la machine créatrice ». Sur des créations un peu simples telles que des pictos ou des éléments d’UI, il va falloir dompter la machine avant que ce ne soit elle qui le fasse.
Un métavers pour les créatifs
Prenons l’exemple de nos présentations. Nous sommes très fiers d’avoir digéré la bascule de travailler sur le cloud, à distance, sur des documents partagés, mais nous sommes encore au niveau 1 de ce que la technologie nous permettrait de faire. Nous devrions créer des mondes pour nos clients, les plonger en réalité virtuelle dans ceux-ci pour qu’ils en ressentent la puissance d’une idée créative et qu’ils la vivent. Ne dit-on pas que l’on crée des brand universes ? Allons au bout de nos champs lexicaux pour délivrer réellement la promesse de nos super compétences. Le métavers est un monde fabuleux pour les créatifs afin de rendre immersives leurs idées. C’est peut-être la voie ultime pour rendre tangible la force de nos savoir-faire.
Autre exemple, l’automatisation de tâches. La vie d’un consultant ou d’un créatif est truffée de tâches répétitives qui nuisent à la bonne perception de ces métiers (rentrer ses heures, gérer les devis, faire des méthodologies...). Nous devrions trouver des solutions pour automatiser tout ce qui n’est pas valorisable à l’externe. Si nous pensons aux différentes composantes de la gestion d’un projet, l’automatisation de plusieurs tâches est possible.
Imaginons qu’un client contacte l’agence en remplissant un formulaire. Ses coordonnées sont automatiquement rentrées dans notre soft fictif. Le secteur et les délais annoncés par le client permettent d’automatiquement proposer une équipe par rapport à ses expertises et son planning. Les références relatives au brief remontent et permettent en quelques secondes de construire une présentation de case studies. Le projet est signé et les phases du projet sont rentrées dans notre soft. Plus besoin de mettre son temps passé, le nom du fichier travaillé permet d’identifier le sujet. Automatiquement, ces données sont remontées et permettent de savoir si le projet est rentable ou pas. À la fin d’une phase du projet, le consultant la clôture et automatiquement les factures sont lancées. Aujourd'hui, très rares sont les structures ayant la totalité de ce continuum d’automatisation.
Toutes ces idées ne sont pas folles. Elles existent et d’autres secteurs se les approprient vite. Elles coûtent seulement très chères à développer. Et le problème de notre secteur, c’est qu’il est majoritairement composé de TPE et PME qui n’ont souvent pas de budget R&D et ne peuvent se permettre d’investir à leur échelle sur des ruptures technologiques. Et si le secteur s’unissait enfin vraiment sur ces projets d’avenir ? Et si, à l’échelle de notre catégorie, nous développions des solutions qui nous permettent de remettre de la valeur dans un contexte de spirale inflationniste ? Il y a urgence.