[Tribune] Mais qu’il est drôle Martin Sorrell, quand il clame en une de Stratégies qu’il veut bâtir un nouveau modèle d’agence, expliquant que les modèles anciens sont dépassés et que demain sera 100% digital, data driven, défendu par une seule marque. C’est assurément un peu court, mais on ne peut qu’être d’accord sur la nécessaire réinvention de nos agences.
L’urgence d’un changement post-crise sanitaire. Les agences de communication ont été les premières à subir la digitalisation et inaugurer la distanciation relationnelle à coups de mails, visios, small talk. Un paradoxe pour un secteur qui se caractérise par sa proximité créatrice. L’élan productiviste, l’injonction à l’efficience ont dégénéré en un risque de burn-out collectif. Le site Welcome to the jungle en fournit des exemples. Et la crise sanitaire de 2020 n’a fait qu’accélérer la tension entre l’individualisme et la revendication de salariés qui ne s’épanouissent plus dans un monde aseptisé par le digital. Les vagues de démission qui ont suivi sont symptomatiques et relayées via TikTok sous le hashtag #QuitMyJob.
Vers un management human centric. Pour survivre, les agences doivent en revenir à l’humain et préserver leur seul capital : l’intelligence et l’engagement de leurs salariés. L’urgence d’un management « human centric » est une réalité, quand de nombreux salariés refusent tout poste sans télétravail, ou se disent prêts à démissionner si leurs réalités individuelles ne sont pas considérées. Ces réalités, ce sont celles de l’interculturalité, de l’intersectionnalité qui consiste à remettre l’humain au centre d’un processus managérial. À l’image de l’humanisme des Lumières, c’est une confiance en l’homme qui doit être restaurée, bien loin de l’ère de l’espionnage collectif ou de l’autocensure des open spaces. Le modèle d’agence de demain sera donc celui de la prise en compte de l’individualité autant que de l’humanité de chacun.
Re-hiérachisation, management positif, solide culture d’entreprise. L’urgence d’une re-hiérachisation des rapports professionnels se justifie par un vieillissement des schémas d’autorité et la préconisation de la fin des réflexes hiérarchiques au profit de l’accompagnement. Cela doit conduire à passer de rapports verticaux à horizontaux, et à un meilleur partage du pouvoir. Afin d’accompagner concrètement cette transition, des outils comme le questionnaire de pilotage de compétences sont précieux, permettant une répartition du pouvoir décisionnaire, ainsi qu’une prise en compte des besoins des employés. La re-hiérachisation peut également passer par la création d’espaces de travail collaboratifs cohabitant avec des espaces individuels.
Cette nécessaire restructuration annonce son pendant logique : l’usage d’un management renouvelé. Exit les notions de management directif, persuasif ou délégatif, l’ère est à celle du « management positif », néologisme fourre-tout élaboré par Bortolotti, qui peut s’avérer avantageux s’il s’appuie sur des bases saines. À commencer par sa coconstruction entre un management consultatif et un management participatif, qui se fonde sur différentes sous-branches interpersonnelles, qui ne sont qu’une nomenclature de valeurs humaines (allant de la reconnaissance à la confiance).
La culture d’entreprise est enfin une souche féconde à exploiter pour toute agence créant cohésion et émulation collectives. Il s’agit d’un ensemble duel structuré entre des concepts techniques (processus, schémas de pouvoir, style de management, manière de communiquer en externe) et des concepts de l’ordre de l’implicite (valeurs, ADN, symboles, motto), qui relèvent du mythos, c’est-à-dire d’une tradition discursive et comportementale (codes sociaux, vestimentaires, philosophie de l’entreprise, usage de symboles). Il est fondamental pour toute agence de créer et d’entretenir une essence interne qui puisse être reprise et réutilisée par mimétisme pour générer de la cohésion.
Les agences doivent être vecteur de sens ; elles doivent conscientiser et assumer leur rôle de pionnières en termes d’humanisation de leurs structures en mettant l’individu au centre. Elles se doivent de bâtir de nouveaux modèles. C’est aussi ce que leur demande leurs clients.