Entre volonté de rendre publiquement compte de tout ou partie de son action et devoir de réserve, voire discrétion liée à la fonction, il n’est pas toujours simple pour un ou une diplomate de trouver le juste rapport à la communication. La recommandation, animée par la prudence, pourrait être de ne pas céder aux exigences de notre ère. Pourtant, les diplomates jouent aussi un rôle de promotion de leur pays, que la communication peut accompagner. La tentation est donc grande de se lancer. Mais la communication personnelle du diplomate est-elle réellement compatible avec sa fonction ?
Sans jamais trahir la confidentialité des dossiers sensibles qu’il peut avoir à traiter, le diplomate rencontre beaucoup d’opportunités pour communiquer, et pour valoriser son action et le pays qu’il représente. Au-delà de la communication pilotée par ses services, il est, comme chacun, lui-même devenu un média, avec une capacité de résonnance particulièrement importante du fait de ses fonctions.
Un diplomate peut-il travailler sa marque personnelle ? Quand il s’agit d’un ambassadeur ou d’une ambassadrice représentant son pays, travailler sa marque personnelle doit demeurer une opportunité supplémentaire de communiquer au service de sa mission. Comme pour toute personnalité dans une fonction publique de premier plan, il est difficilement envisageable de faire cohabiter deux images, l’une privée et l’autre publique, voire officielle. Le risque d’amalgame est trop fort au regard des enjeux de la fonction. Certains artistes s’y risquent et parfois en jouent, pour souvent finir devant les tribunaux à défendre leur droit à la vie privée, alors qu’ils ont eux-mêmes profité des opportunités de l’exposition publique. Pour le diplomate, il n’est pas question de jouer avec sa fonction, mais il est possible d’en tirer un profit médiatique, toujours au service de sa mission.
Posture officielle contre posture publique
Quand le diplomate se retrouve au cœur d’un événement public, où nombre de participants peuvent le photographier, évoquer sa présence, rapporter ses propos, il n’existe aucun frein à la communication. Un tweet relatant ce moment, sous un angle personnel, pourra se différencier de la communication plus officielle de l’ambassade. Cela présentera le diplomate sous un autre aspect, plus humain, et participera à rendre la fonction plus accessible, sans pour autant l’affecter. Ce type de communication, moins protocolaire, peut parfaitement susciter de l’intérêt et permettre de s’ouvrir à de nouveaux publics, pour ainsi élargir la communication globale de la représentation diplomatique.
À l’inverse, même dans le cadre de ses fonctions officielles, le diplomate vit aussi des moments non médiatisés, qui ne peuvent pas être partagés, parce qu’en faire la publicité pourrait être contreproductif pour l’avancement d’un projet, d’une négociation, d’une conciliation... Cela pourrait également être inapproprié par rapport à des interlocuteurs qui ne souhaiteraient pas de mise en lumière. Comme toujours en communication, le discernement est une compétence clé. Elle l’est encore plus dans le cadre de fonctions sensibles, notamment quand celles-ci exigent réserve et discrétion.
Dans toutes ces circonstances, il existe une constante : une communication personnelle publique ne peut pas se soustraire aux exigences de la fonction officielle.
Pas de communication improvisée
Il existe aussi de nombreuses opportunités de communiquer qu’il est nécessaire d’anticiper, afin d’en maîtriser l’organisation. Par exemple, quand un ambassadeur rencontre un industriel ou un grand patron, l’un et l’autre pourraient avoir un intérêt à communiquer sur tout ou partie de leurs échanges, ou simplement sur leur rencontre. Mais par respect pour son interlocuteur, ou par crainte de paraître inopportun, peut-être que chacun hésitera à solliciter l’autre. Ces moments ne peuvent pas être improvisés. Les équipes en charge de la préparation de la rencontre doivent échanger sur la volonté unilatérale ou partagée d’une prise de parole, ou d’une photo, et donc en prévoir le moment et le cadre. Cela permettra d’en valider le principe et les conditions d’organisation. Dans le cas contraire, chacun peut passer à côté d’une belle opportunité de communication.
Enfin, le diplomate peut aussi saisir de nombreuses opportunités de communication pas directement liées à son action, mais qui répondront parfaitement à sa mission de représentation et de promotion de son pays. Tout ce qui fait positivement référence à sa patrie peut faire l’objet d’une communication, pour la valoriser. Culture, sport, gastronomie, économie, science, architecture… : les occasions sont réellement nombreuses pour qui acquiert le réflexe de partager le plaisir d’une lecture, l’expérience d’un restaurant, l’intérêt pour un travail ou une exposition… Ou tout simplement évoquer l’actualité d’un compatriote, de passage ou résidant dans le pays de mission, qu’il s’agisse d’un champion, d’une cheffe de cuisine, d’un musicien, d’une architecte…
La communication personnelle du diplomate paraît finalement bien compatible avec sa fonction, mais toujours pensée au service de sa mission, pour éviter tout risque d’amalgame, de méprise, de détournement, et toute mauvaise exploitation d’un propos ou d’une situation personnelle incompatible avec cette fonction. Et donc toujours avec discernement, comme pour toute communication.
Frédéric Fougerat a publié l'ouvrage Un DirCom n’est pas un démocrate, aux éditions Bréal.