Beaucoup cherchent (encore) à opposer les deux et pourtant, l’influence peut parfaitement venir en appui de la création publicitaire. Zoom sur les bonnes pratiques à adopter. Un article également disponible en version audio.
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Entre les crises à répétition et l’essor grandissant du digital, le secteur de la publicité est constamment en mouvement. Et s’il est facile de penser que la publicité traditionnelle est boudée au profit des réseaux sociaux, la réalité est à nuancer. Selon le Baromètre unifié du marché publicitaire (Bump) portant sur 2023, les recettes publicitaires nettes de l’ensemble des médias s’élèvent à 17,317 milliards d’euros en France, soit une progression de 3,4 % par rapport à 2022 et de 14,1 % par rapport à 2019 (année de référence de l’avant-crise). Trois médias affichent des résultats positifs : le cinéma, la publicité extérieure et la radio. En revanche, la presse et la télévision sont en retrait, impactées dans le deuxième cas par la chute des audiences TV, notamment chez les 15-24 ans, et ça, les marques l’ont bien compris. Elles n’hésitent alors plus à recourir à l’influence marketing pour renforcer leurs campagnes publicitaires. L’objectif ? Toucher une cible plus jeune, prescriptrice et puissante. Mais pas seulement.
La GenZ comme cible
S’il existe bien une cible que la plupart des marques cherchent à séduire, c’est la génération Z. Nées après 1997, les personnes issues de la GenZ ont donc grandi avec le numérique et les réseaux sociaux. Elles sont averties et représentent tout de même un tiers de la population mondiale. Outre le pouvoir d’achat de la GenZ, c’est également son pouvoir de prescription qui est à prendre en considération, et cela même au sein de leur propre foyer familial. Selon une étude menée par Ipsos-Sofinco, 84 % des parents estiment que leur enfant influence leurs achats de vêtements, 80 % leurs dépenses liées aux loisirs et 76 % leurs achats de produits alimentaires.
Ayant également évolué dans des contextes politiques et socio-économiques compliqués, la GenZ se renseigne, se cultive et s’engage. Et si les marques souhaitent toutes communiquer auprès d’elle à base de publicités ciblées, la génération Z est loin d’être naïve et sait déceler le vrai du faux. « Plus personne n’est dupe. La page de publicité est annoncée, banalisée, codifiée, peu importe la plateforme ! C’est à ce moment-là que la créativité devient capitale, quand elle sert à ce qu’un message de marque émerge, soit entendu et retenu dans un flot permanent de collaborations et de sponsorisations sur les réseaux. […] Charge aux agences, aux créatifs et aux créateurs eux-mêmes de jouer avec la "meta" de l’influence, d’en détourner les codes ou d’innover dans leurs approches pour faire passer la publicité de la manière la plus efficace, la plus intuitive et donc, la plus créative possible », explique Jean-Baptiste Bourgeois, directeur associé chez We Are Social.
En ayant la volonté d’ajouter un volet influence à une campagne publicitaire, les marques ont surtout une envie concrète : rajeunir leur image et toucher une cible plus jeune. Du moins, une cible difficilement atteignable par des campagnes plus classiques, notamment à travers la télévision. « La réponse pour réussir à toucher la GenZ, c’est le social, et au cœur du social, l’influence est le levier le plus demandé », confirme Pierre-Hubert Meilhac, vice-président head of PR et influence chez Ogilvy Paris.
Vers plus d’authenticité
Dans le livre Influenceurs : un quotidien sous algorithme, paru chez Robert Laffont en 2024, les autrices Émilie Le Guiniec et Clémence Floc’h ont mené différents entretiens et le constat reste le même : « Si l’investissement dans les médias a longtemps été la voie royale, aujourd’hui, on peut observer un déplacement du marché de la publicité des médias traditionnels vers les influenceurs ». « Nous sommes dans une société de défiance vis-à-vis des autorités traditionnelles. Et la publicité n’y échappe pas. Les influenceurs apparaissent, quant à eux, plus authentiques et moins pris dans des enjeux de pouvoir, de système », analyse Rémy Oudghiri, sociologue et directeur de Sociovision.
Alors pour réussir à créer de l’authenticité via une campagne d’influence, rien de plus important qu’un bon ciblage. « Chez Revolvr, on a une vraie stratégie de sélection de profils pour ne jamais proposer quelque chose de redondant. On réalise tout le casting de manière organique pour connaître les goûts, les engagements, les actualités des créateurs de contenu, et ça, c’est une véritable expertise qui ne pourra pas être remplacée par une intelligence artificielle », exprime Amandine Fornot, cofondatrice de Revolvr. Avant de poursuivre : « Ce n’est pas parce qu’une créatrice de contenu est numéro un qu’il faut la mettre partout, surtout si les campagnes sortent en même temps mais ont des cibles totalement différentes. Il n’y a pas que le reech dans la vie ! Alors oui, on peut toucher une grosse audience, mais parfois il vaut mieux opter pour un profil un peu moins suivi, car sa communauté sera beaucoup plus engagée. »
L’influence est aujourd’hui devenue un prérequis pour une campagne publicitaire réussie, la clé étant de réussir à choisir des profils pertinents pour créer l’authenticité recherchée, à la fois par la marque et le consommateur. Une étape chronophage, mais qui permet d’intégrer l’univers d’une marque dans la « vraie » vie. Surtout lorsque cette dernière a un message à faire passer.
Engagements, valeurs et créativité
Au-delà de l’amplification, les marques et leurs agences sont aussi en recherche d’engagement des audiences. Alors peu importe sa forme, quand une marque souhaite prendre la parole, l’influence est un canal privilégié pour la diffuser. D’autant plus lorsque l’on sait que les jeunes de 13 ans et plus passent plus de 18 heures par semaine sur leur smartphone, selon l’enquête « Junior Connect » d’Ipsos. « Utiliser un volet influence peut permettre de créer une relation plus forte entre la marque et ses consommateurs, surtout quand elle a un message à faire passer. Cela apporte une dimension humaine et authentique aux campagnes publicitaires classiques, et si le choix des profils a été fait de manière pertinente, alors le message sonnera plus juste car les consommateurs auront accès à de vraies recommandations et des histoires personnelles », explique Léa De Aquino, head of PR et influence chez Black Milk Agency.
« C’est exactement ce qui s’est passé lors de la campagne "Pink Spirit" de Courir pour Octobre Rose. Pour prendre la parole autour de la thématique du cancer du sein et des idées reçues qui en découlent, la marque a combiné plusieurs activations. De l’affichage en boutiques, du paid media, des publications sur les réseaux sociaux, le développement d’une box aux couleurs de la campagne, un storytelling autour du mécénat et du partenariat de Courir auprès de Ruban Rose, un seeding auprès de personnalités et créateurs de contenus, et un retargeting des personnalités de la campagne passée. Une opération à 360 degrés, qui mêlait engagement, valeurs, personnalisation et création de liens », poursuit Léa De Aquino. Une stratégie payante lorsque l’on sait que la GenZ éprouve un réel désir d’authenticité et de sincérité de la part des marques, d’après une enquête de Prisma Media Solutions.
Bien combiner l’influence et la publicité
Selon une étude dévoilée par StudioFY, 81 % des Français estiment que les posts des influenceurs ont un impact non négligeable sur la découverte et l’attractivité des produits. D’ailleurs, 73 % d’entre eux déclarent aller se renseigner sur un produit ou un service après qu’un créateur l’a recommandé. Dans ce contexte, la mise en place d’un volet influence dans une stratégie globale est devenue une évidence. Mais il existe des règles à respecter pour bien combiner influence et publicité classique.
« Pour nous, l’influence est aussi légitime que tout autre levier, on la considère donc dès le départ. Si nous estimons qu’elle peut être une réponse pertinente à un brief, nous faisons travailler nos équipes de planning, de création et d’influence toutes ensemble. Le véritable enjeu, c’est de réussir à faire passer le même message mais d’une manière différente. Chez Ogilvy, on travaille principalement avec de gros créateurs car nos objectifs sont souvent des objectifs de notoriété. Avec ces créateurs, on est dans une démarche de co-création complète et c’est aussi ce qui fonctionne quand on veut travailler un mix harmonieux entre des campagnes traditionnelles et de l’influence. Il faut vraiment mettre l’influence le plus tôt possible dans le processus et sortir à tout prix de l’amplification seule. Calquer de la publicité sur de l’influence, non seulement ça se voit et ça n’est pas terrible, mais en plus ça ne marche pas », explique Pierre-Hubert Meilhac.
La cohérence est l’élément central pour qu’un volet influence renforce une création publicitaire de manière fluide et pertinente. « Il faut absolument mettre dès le départ un objectif de cohérence entre les différents touch points et faire en sorte que les différentes entités (agences, créatifs…) anticipent ce qui va se passer. Avant, on pensait le rectangle publicitaire parfait et on faisait une campagne 360 qui se déclinait partout. Aujourd’hui, ce n’est plus possible de faire ça. Certains créatifs essaient encore de fonctionner comme ça et de transformer une campagne classique en social, mais ça ne marche pas », conclut Jean-Baptiste Bourgeois.