Dossier Nouveaux modèles
Pas toutes connues en France, elles ont pourtant fait leurs preuves au-delà de leurs frontières. Focus sur cinq enseignes qui creusent leur sillon et affirment leur différence.

La plus décalée : Zulu Alpha Kilo (Canada)

C’est qui ? Lancée en 2008 par Zak Mroueh, ancien de Chiat/Day (TBWA), BBDO et McCann UK, Zulu Alpha Kilo est une agence créative indépendante de 120 personnes, basée à Toronto. Elle a été maintes fois primée par les médias : Ad Age (elle a été « Small agency of the year » en 2016, et 2017 catégorie International), Forbes, Strategy...

Pour aller plus loin… Elle se distingue par son caractère non conventionnel voire rebelle. Sa différence est visible dès son site web, qui prend le parti de parodier le secteur de la publicité. Une façon d’illustrer sa capacité à créer des contenus décalés tout en affirmant une identité forte qui ne conviendra pas à toutes les marques. Elle va jusqu’à mettre en scène trois fondateurs fictifs, Frank Zulu, Marcus Alpha et Katherine Kilo, à travers des biographies teintées d’ironie. « Un nom intrigant, une tendance à la parodie critiquant le monde de la pub, un marketing d’opérateur très challenger mais qui émerge », estime Bruno Tallent, président-directeur général de l’agence de publicité McCann Paris. Mais le parti pris le plus fort de Zulu Alpha Kilo réside dans son attitude à l’égard des pitchs : elle refuse d’y participer, une façon de s’engager contre le travail sans contrepartie financière, dévalorisant, selon elle, sa proposition de valeur. Parmi ses réalisations marquantes, une campagne d’affichage menée en 2018 pour la marque de cosmétiques Consonant, qui invitait les gens à se rendre en magasin si leur peau avait l’aspect des murs sous les affiches… Une opération répertoriée comme l’une des cinq plus originales de l’année 2018, selon The Drum.

Pourquoi s’en inspirer ? Pour son audace, sa créativité, sa capacité à manier l’humour et à bousculer un univers aux codes établis - la publicité -, avec un statut d’agitateur. Elle veut prouver que les petites agences ne sont pas moins efficaces.

 

La plus anti-silos : Anomaly (États-Unis)

C’est qui ? Lancée en 2004 par Carl Johnson (ex-TBWA et Effie Worldwide) et ses associés, Anomaly est une agence de publicité d’origine américaine, implantée à Los Angeles, New York, Toronto, Londres, Amsterdam, Berlin et Shanghai. Elle est l’agence de l’année 2017 pour Ad Age.

Pour aller plus loin… « Anomaly est dans la communication intégrée, observe Thomas Jamet, vice-président de l’Udecam et président-directeur général du réseau d’agences médias IPG Mediabrands France. Elle a des talents dans tous les domaines et les rassemble en mode projet autour de clients. » Autrement dit, elle casse les silos, mise sur une organisation plus transversale... « Les Anglo-Saxons sont très forts pour ça. En France, ce n’est pas notre état d’esprit. Je ne sais pas quel potentiel ils auraient ici », juge l’expert. L’agence veut, par ailleurs, faire une communication qui parle à tout le monde, sans isoler les cibles selon des facteurs culturels, par exemple.

Une autre force de l’agence réside dans sa vision intégrée du digital. « Les agences comme Anomaly n’ont pas besoin d’opérer leur transformation digitale, elles sont nées avec le digital et le considèrent comme un asset prioritaire », dépeint Jean-Christophe Lalevée, directeur général de l’agence média Vizeum France (Dentsu Aegis Network). Dernière particularité - étonnante - d’Anomaly : elle a investi, il y a trois ans, dans Hmbldt, une société dans le cannabis, qui figure dans la liste des meilleures inventions de 2016, selon Time.

Pourquoi s’en inspirer ? Pour son côté intégré. Les clients cherchent aujourd’hui plus de pragmatisme et d’efficacité dans l’approche des projets et cette organisation permet de leur apporter une réponse adéquate.

 

La plus axée contenus : Virtue (États-Unis)

C’est qui ? Fondée en 2006 et dirigée par Rob Newlan, Virtue est l’agence créative de Vice Media. Rolex, Adidas, Netflix, Chanel ou Booking.com comptent parmi ses clients. Elle dispose de 27 bureaux dans le monde, notamment à New York (son siège est à Brooklyn), Londres et Singapour.

Pour aller plus loin… Virtue est un symbole de la diversification des groupes médias. « C’est le modèle classique du publisher qu’est Vice qui sait qu’il a tout à gagner à créer du contenu pour les marques. C’est un peu le même positionnement que 14Haussmann [agence de contenus du Groupe Figaro] », analyse Thomas Jamet. Même son de cloche du côté de Jean-Christophe Lalevée, qui note « une véritable intégration dans l’écosystème global de Vice ». À ses yeux, la Canal Brand Factory de Canal+ s’inscrit aussi dans cette optique. Un modèle qui a ses avantages, à commencer par l’expertise… mais aussi ses inconvénients. « C’est un média qui apporte le savoir-faire mais la limite, c’est qu’elle fait du Vice. Ils font les contenus dont ils ont l’habitude. C’est une force pour les marques qui veulent cette écriture-là. Mais cela ne marche pas partout », relativise Bruno Tallent. Parmi les récents projets de l’agence figure une campagne réalisée pour Google Chrome à l’occasion de ses 10 ans, en septembre 2018. Celle-ci repose sur un spot d’une minute illustrant la façon dont le navigateur peut aider les gens dans leurs activités du quotidien.

Pourquoi s’en inspirer ? Outre les médias, d’autres entreprises adoptent ce genre de démarche dans l’optique de toucher différemment le public. « Nous sommes dans cette démarche de vouloir remonter en valeur, témoigne Jean-Christophe Lalevée, parlant d’une approche plus engageante avec le consommateur. L’agence média doit se réinventer. Nous avons besoin de mieux connaître nos audiences, leurs insights, les contenus qui les font réagir... »

 

La plus digitale : Jellyfish (Royaume-Uni)

C’est qui ? Lancée en 2005, Jellyfish est une agence spécialisée sur le digital, basée au Royaume-Uni. Près de quinze ans plus tard, elle est désormais présente aux États-Unis, en Espagne, au Danemark, en Afrique du Sud, aux Émirats arabes unis et dans plusieurs pays d’Asie. En 2018, Jellyfish a été première du Top 100 des agences indépendantes, selon le média The Drum. Elle est dirigée par Rob Pierre.  

Pour aller plus loin… Jellyfish affiche des performances enviables. Elle revendique une croissance de 45 % par an au cours des cinq dernières années. Deux rachats récents témoignent d’ailleurs de sa logique de croissance. En mars 2019, elle a ainsi annoncé l’acquisition de Latitude, agence spécialisée dans le marketing digital. Une façon pour elle de se renforcer à la fois au Royaume-Uni et à Dubaï. Six mois plus tôt, en octobre 2018, elle officialisait le rachat de The ASO Co, entreprise spécialisée dans les applications, les stratégies mobiles et les Apple Search Ads (permettant d’optimiser la visibilité d’une application sur l’App Store), afin de se renforcer dans ces domaines. Le groupe Jellyfish compte désormais plus de 800 personnes et son modèle séduit. « L’agence se caractérise par sa souplesse, sa réactivité et, en même temps, un dimensionnement international qui lui permet d’avoir de la substance et de travailler sur tous les sujets digitaux (social, UX, vidéo…) », relève Thomas Jamet. Elle cherche des solutions sur mesure. Une formule gagnante, a priori, pour les annonceurs. Jellyfish a d’ailleurs séduit Ebay, Disney, Spotify, Canon ou encore Duracell. Elle est aussi partenaire marketing de Google au niveau mondial.

Pourquoi s’en inspirer ? Sa politique de croissance externe et son ancrage sur un secteur porteur, la transformation digitale des entreprises.  

 

 

La plus humaine : Elite SEM (États-Unis)

C’est qui ? Créée en 2004 et dirigée par Zach Morrison, Elite SEM est une agence digitale américaine spécialisée en SEM (Search Engine Marketing), SEO, CRO (Conversion Rate Optimization), display et mobile. Elle compte neuf bureaux à travers le pays. Elle a été élue Best Place To Work en 2019 par Ad Age, dans la catégorie des 201 salariés et plus. Elle est aussi l’Employeur de l’année pour Digiday.

Pour aller plus loin… Elle a mis l’accent sur l’innovation RH. Elle offre un certain nombre d’avantages à ses salariés, comme des vacances et des jours d’arrêt maladie illimités, la possibilité d’adapter ses horaires et de faire du télétravail, ou encore des repas gratuits. Par ailleurs, elle reverse à ses collaborateurs une part de ses bénéfices. Au-delà, elle mise sur le partage de valeurs comme le fait d’aimer son travail, la gratitude ou la recherche de grandeur. Elle veille à respecter la diversité des profils lorsqu’elle recrute et cultive son attractivité pour retenir les meilleurs talents. « Le côté Best Place to Work, toutes les agences en rêveraient, juge Thomas Jamet. Il faut démonter le mythe. Pour l’annonceur, c’est un peu en silo ». Sauf, peut-être, quand le bien-être au travail permet de mieux répondre aux demandes des clients. Vis-à-vis de ces derniers, Elite SEM joue la carte de la transparence, par exemple en leur fournissant régulièrement des rapports d’activité.

Pourquoi s’en inspirer ? Initialement spécialisée dans le SEM, elle a par la suite élargi son expertise pour répondre aux besoins de ses clients. Elle fait attention à ses collaborateurs. Elle a compris qu’à l’heure de la guerre des talents, les fidéliser est important.

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