Poussées par l'avènement des réseaux sociaux vers une ère où la conversation avec leurs consommateurs est désormais reine, les marques doivent intégrer les nouveaux codes de langage et réussir à traduire leur identité au travers de leur écriture numérique. Un défi que toutes n'arrivent pas à relever, comme le révèle la dernière étude de l'Institut de la qualité de l'expression, qui porte, pour sa dixième édition, sur l'analyse sémantique des messages envoyés par mail et via Facebook et Twitter de 25 entreprises du quotidien des Français, appartenant à cinq secteurs: la banque, la cosmétique, l'automobile, le bricolage et les marques pure players du classement Qualiweb.
Au total, plus de 1 000 messages ont été analysés pour dresser un bilan des codes de l'écriture numérique et de l'évolution de la façon dont les marques s'adressent à leurs clients. Pour évaluer la qualité des messages publiés, l'Institut de la qualité de l'expression a retenu trois temps forts: l'interpellation (bonjour, cher, bienvenue...), la relation (nous vous conseillons, découvrez, félicitations...) et la salutation (à bientôt, bonne journée...).
Premier constat établi par la fondatrice de l'Institut, Jeanne Bordeau: «L'écriture numérique est une écriture plutôt orale, qui n'a ni début ni fin; c'est une écriture continue.» Ce qui explique que bien souvent les marques de salutation disparaissent et que «la formule de relation se fonde dans la formule d'interpellation. On ne tue pas la relation avec un "au revoir", on préfère "merci et à bientôt"», indique Jeanne Bordeau.
Catalogue en ligne
Un constat qui ne touche pas tous les secteurs: la banque et les cosmétiques apportent encore un grand soin à la salutation de leurs clients. Comme Clarins et L'Occitane, par exemple, qui sont les seules marques à utiliser sur Facebook une formule du type «cher + prénom» pour répondre aux messages de leurs consommateurs. Des marques de cosmétique championnes toutes catégories de la relation numérique et qui parviennent à «déployer sur les réseaux sociaux de l'expertise, de l'écoute, de la créativité, de la pédagogie» selon Jeanne Bordeau, à l'inverse des marques de bricolage pour qui «l'écriture a le plus besoin d'être travaillée. Elles pratiquent une langue servicielle, une langue factuelle qui tient plus du catalogue en ligne.»
Dans un secteur comme l'automobile, les messages sont bien plus ludiques, flirtant avec une langue orale «plus souple, moins formelle et plus astucieuse», note Jeanne Bordeau. «Etre efficace, ce n'est pas avoir une langue neutre, monotone, ajoute-t-elle, il faut parler à l'autre de lui et le ramener vers vous.»
Le but pour les marques est donc de fuir toute novlangue numérique désincarnée si elles veulent fidéliser leur clientèle. Ce qu'arrivent parfaitement à faire les pure players. Nées du Web, elles en connaissent toutes les ficelles et savent tisser un lien fort avec les consommateurs à travers des messages pourtant très courts. Globalement, la langue numérique développée par les différentes marques «n'est pas pauvre, contrairement à la langue des années 1990, mutilée par les PowerPoint», estime Jeanne Bordeau, mais les entreprises doivent bien garder en tête que «la qualité d'écriture n'est pas dans la complexité, et il faut impérativement que celle-ci caractérise la marque.»