Dossier Back to school
Quand les héros du petit écran deviennent des jouets ou que des marques comme Lego se déclinent à l’écran, cela plaît aux enfants et fait tourner l’industrie. Quelles sont les licences qui marchent ? Comment la crise les a-t-elle touchées ? Quels sont les clés de ces réussites ?

Né en 1997, Harry Potter a convaincu en quelques années des centaines de millions d’adeptes. Une performance qui n’a rien d’un tour de magie. Car si l’histoire, l’univers ou les personnages séduisent, ce succès est aussi lié à une stratégie de développement bien huilée. Selon le cabinet spécialisé The NPD Group, les ventes de jeux et jouets dérivés de Harry Potter ont augmenté de 49 % en France en 2020, ce qui en a fait la licence la plus vendue. Un vrai booster pour le marché. « En France, 22 % du chiffre d’affaires du jouet a été fait avec des produits sous licence au premier semestre 2021 », expose Frédérique Tutt, experte de ce secteur chez NPD. Et même jusqu’à 30 % ou 35 % selon d’autres estimations.

Ce marché s’avère relativement stable au fil des années, bien que des licences « rentrent » et « sortent » cycliquement. Les gagnants sont connus : « sur la maternelle : Pat’Patrouille, Disney, Miraculous ; dans la cour d’école : les poupées LOL, Barbie, Harry Potter, Pokémon », détaille Magali Verney Bocciarelli, directrice des achats de La Grande Récré, dont les 140 magasins s’attachent à refléter cette demande. De son côté, la marque Playmobil a lancé il y a quelques mois un combi Volkswagen et une voiture Coccinelle.

Année chaotique s’il en est, 2020 a mis cette stabilité à rude épreuve, sans pour autant rebattre les cartes. Le succès des licences est fortement lié aux sorties cinéma, qui renforcent la présence à l’esprit des héros préférés des enfants, en parallèle de la diffusion en télévision. En 2020, problème : beaucoup de sorties ont été décalées.

Frénésie de consommation

Un autre bouleversement tient au changement de la consommation des enfants, qui ont passé davantage de temps devant leurs écrans, pour suivre l’école mais aussi pour se divertir. Les petits ont aussi eu plus de temps pour jouer ou réaliser des loisirs créatifs. « Cela a accéléré le cycle de consommation des licences, épuisées en un temps plus court, analyse Philippe Guinaudeau, dirigeant de l’institut d’études Kidz Global. Les enfants ont dû aller chercher d’autre licences. Le volume global de dépense reste stable car les gens dépensent la même somme mais pas dans les mêmes produits. »

Autre conséquence : toutes les marques n’ont pas traversé la crise de la même façon. « Celles qui ne se déclinent que sur le jouet (Fisher Price, Blade, Nerf…) ont connu un pic de popularité en 2020 mais en 2021 semblent revenir à leur niveau de 2019. Les marques déclinées à l’écran et en merchandising (Lego, Playmobil, My Little Pony…) ont connu l’effet inverse. Moins populaires en 2020, elles reviennent à leur niveau de 2019 », précise le spécialiste.

« Hors pandémie, on observe une poussée des marques web », remarque encore Philippe Guinaudeau. Parmi elles, figurent CoComelon, des histoires et comptines pour enfants nées sur internet et qui ont trouvé leur public depuis, en particulier aux Etats-Unis. C'est une déferlante : en 2020, la chaîne YouTube CoComelon était la plus regardée dans le pays avec plus de 3,5 milliards de vues par mois en moyenne. « Certains influenceurs ont été signés pour être des licences eux-mêmes, comme Ryan’s World [Ryan Kaji, un Américain de 9 ans, a été le Youtubeur le mieux payé de 2020, ndlr] », avance Frédérique Tutt.

Cible adulte

Aucun de ces succès ne relève du hasard. L’un des facteurs de réussite les plus importants pour les licences est le contenu. A l’image de Jurassic World : La Colo du Crétacé, série animée sortie sur Netflix en 2020, les studios essaient de développer des contenus accessibles tout le temps pour ne jamais tomber aux oubliettes des mémoires enfantines. « Ils ne peuvent pas se permettre d’être un film parmi d’autres », relève Frédérique Tutt.

Rendu disponible cette année sur Disney+, Falcon et le Soldat de l’Hiver, produit par Marvel Studios, aurait lui aussi trouvé la bonne recette. « En France, en avril 2021, la série a bénéficié de 50 % de notoriété. Un enfant de 10-14 ans sur deux la connaîssait. C’est phénoménal », ose Philippe Guinaudeau, qui s’attend à l’arrivée de produits dérivés à Noël prochain et en 2022.

Sans aller jusque-là, d’autres nouveautés sont très attendues. Chez La Grande Récré, Idéfix sera le prochain héros. Dans la série Idéfix et les Irréductibles, qui a démarré cet été sur la plateforme de France Télévisions Okoo avant une diffusion sur France 4 fin août, le chien doit avec une bande de congénères défendre Lutèce. « Nous avons signé avec les Editions Albert René [qui détiennent les droits des albums d’Astérix, ndlr] une exclusivité pour le lancement de peluches des quatre protagonistes principaux sur la fin d’année », confie Magali Verney Bocciarelli.

Autre parti pris pour développer le business, les collaborations. « C’est depuis quelques années une possibilité pour monétiser une licence, en particulier auprès d’une cible adulte », note Nathalie Chouraqui, dirigeante cofondatrice de Kazachok, agence d’événements et de conseil dédiée au marché de la licence. Et cette ancienne de Mattel de citer en exemple une montre Super Mario et Tag Heuer, annoncée en juillet. Enfin, les crossovers constituent un moyen toujours vivace d’entretenir l’intérêt des consommateurs, comme les Lego Super Mario ou les pistolets Nerf Fortnite.

Happy birthday Pikachu

Pokémon fête ses 25 ans. Année après année, le succès, qui s'appuie sur une multitude de produits dérivés (cartes, figurines, jeux…), ne se dément pas. Deux facteurs y contribuent : le fait que la cible soit transgénérationnelle et la spéculation autour des cartes, dont les prix peuvent atteindre des sommets. « Fin juin, la marque a représenté quasiment 10 % des ventes de jouets sur une semaine », relate Frédérique Tutt, experte au sein du cabinet The NPD Group. Une performance à relativiser : « en 2020, la seule chose qui intéressait les enfants était la nouveauté », rappelle Philippe Guinaudeau, dirigeant de l’institut d’études Kidz Global. Sans compter que le taux de possession déjà relativement élevé de Pokémon fait que le sursaut en termes de ventes ne serait pas non plus un « raz-de-marée ».

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