Kitty le chihuahua et Lola le lévrier italien : 370 000 abonnés sur Instagram. Natsu, chien shiba inu : 900 000 abonnés. Mirabelle et Bergamote, cochons d'Inde: 25 000 abonnés… Sur les réseaux sociaux, les influenceurs à poils et à plumes se multiplient. Il faut dire qu’internet et les animaux, c’est une histoire d’amour qui dure. Composants inhérents de la culture geek, ils sont une source de mèmes et de buzz inépuisable... Le phénomène commence à se structurer par le biais d'intermédiaires qui ont «flairé» un business intéressant.
C’est le cas de My Pet Agency, lancée en 2017 à Paris. «Les animaux sont des agrégateurs d’émotions, de lien social. Les chiens, les chats attirent la sympathie et favorisent les rencontres, que ce soit dans la rue... ou en ligne. Les propriétaires d’animaux de compagnie adorent les mettre en avant sur les réseaux sociaux», explique Lucas Bérullier, PDG-fondateur de l’agence. Cet ancien étudiant en école de commerce australienne a lui-même expérimenté la puissance des animaux influenceurs avec son fidèle Bruce, aka @blogofbruce, 32 500 abonnés sur Instagram. «Lorsque Bruce était approché par des marques pour des collaborations, il n’y avait jusqu’ici aucune structure pour faciliter la mise en relation, la négociation des contrats, la lecture des briefs, etc. Alors j’ai eu l’idée de créer ce service», raconte le maître de Bruce. Au départ positionnée sur le modèle d’agence de célébrités, avec un petit groupe d’animaux en pépinière, très rapidement, la société se développe et devient plus globalement «une plateforme de marketing d’influence spécialisée dans les animaux de compagnie». Aujourd’hui, My Pet Agency collabore avec plus de 1 500 animaux et des centaines de marques, avec l’ambition de devenir «le Havas des animaux» pour proposer des campagnes à 360°. Dans le détail, 92% des comptes de «pet-influenceurs» inscrits sur la plateforme sont tenus par des femmes. 76% sont des chiens, 19% des chats.
Un engagement supérieur
«Un animal peut vendre n'importe quel produit en lien direct ou indirect avec l’univers animalier: croquettes, accessoires, santé, etc. Mais aussi des produits plus éloignés en principe de cet univers: produits cosmétiques non-testés sur les animaux, compagnies aériennes ou hôtellerie “dog friendly”, etc. En somme, tous les domaines qui permettent aux marques de toucher les propriétaires d’animaux», détaille le spécialiste. A noter que les Français dépensent en moyenne jusqu'à 1 000 euros par an pour leur chien. Le marché total des produits pour animaux de compagnie représente 4,7 milliards d’euros en France. C’est un marché qui a connu une forte croissance durant ces 10 dernières années (+48%) et qui est promis à un bel avenir. Ce marché devrait peser 5 milliards d’euros en 2020 en France, d'après Xerfi.
En termes d’engagement, différentes études montrent qu'un animal sur Instagram engage entre 3 à 6 fois plus qu'un humain. La moyenne nationale étant de 2% pour les humains, et de 6% à 12% pour les animaux (1). «L’engagement envers les animaux est moins “engageant” qu'avec un humain, indique Fanny Bonodot, senior influencer manager chez We Are Social. L'animal est plus neutre, plus pur, il y a moins d'enjeux à interagir avec lui et à partager ses contenus.» Les plus gros «pet-influenceurs» du monde sont Grumpy Cat aux États-Unis, avec 2,5 millions d’abonnés, et Jiff Pom, 10,5 millions. «Il existe deux types d’animaux influenceurs: les animaux de stars, d’un côté, et les animaux stars en tant que tels. Du reste, pour une marque, l’animal peut constituer une porte d’entrée vers un influenceur, en proposant une expérience à vivre à deux, maître et animal. C’est une approche différente qui peut être très pertinente en influence marketing», détaille Fanny Bonodot.
Attention au bad buzz
Quand on traite avec les bêtes, un autre sujet n’est jamais loin: leur respect et leur protection. Parce que l’engagement qu’ils génèrent est fort, des personnes mal intentionnées peuvent être tentées de les utiliser à outrance pour les monétiser, quitte à leur infliger des sévices souvent proches de la torture. «C’est le principe n°1, martèle Lucas Bérullier. Nous avons fondé notre agence sur une charte très complète autour du bien-être des animaux. My Pet Agency n’est spécialisée qu’en animaux domestiques et ne traite absolument pas avec les animaux sauvages», souligne le dirigeant, qui précise en outre que les collaborateurs de l’agence sont tous formés pour reconnaître les signaux de mal-être des animaux, ou de fatigue, lors de shootings photos par exemple. «Notre rôle est aussi de refuser certains profils en faisant de la pédagogie, en attirant leur attention sur les limites à se fixer, en les conseillant, etc.»
Prudence donc, l’utilisation d’animaux comme ambassadeurs doit faire l’objet d’une réflexion attentive par les marques. Marie Muzard Conseil, cabinet spécialisé en bad buzz d’entreprise, rappelle que les polémiques liées aux animaux représentent entre 3 et 4% des bad buzz. Un chiffre plutôt stable sur les cinq dernières années. La majorité concerne les entreprises de spectacles d’animaux (zoos, cirques, parcs aquatiques...), les abattoirs ou les élevages. Mais d’autres sociétés plus éloignées de l’univers animalier peuvent également être confrontées aux courroux de l'opinion pour avoir transgressé dans leur communication ou marketing le tabou de «l'atteinte aux animaux». Aussi, une célébrité qui génère un bad buzz lié aux animaux peut impacter la marque dont elle est l’ambassadrice. «Le seuil de ce que l’opinion considère comme de la maltraitance a diminué, prévient Marie Muzard. Les animaux domestiques sont aujourd’hui censés être respectés quasiment comme des êtres humains.»
Viralité, engagement, souvenir publicitaire… Les animaux sur les réseaux sociaux ne sont pas seulement mignons, ils sont aussi une source de business indéniable. Mais si ce marché se structure, leur protection et leur respect est primordial.
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