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Dans le cadre de «collabs», certains influenceurs pètent un câble et créent des ovnis publicitaires bien loin de ce qu’on imagine écrit dans un brief d’annonceur.

Le brief est le suivant. Pour vanter les mérites de nos coques pour smartphones Rhinoshield auprès de vos abonnés, vous imiterez grosso modo Fred et Jamy de feu C’est pas sorcier. Vous n’hésiterez pas à emprunter des images du générique officiel sans en avoir les droits, mais vous expliquerez à vos abonnés ce qu’est la démonétisation sur YouTube, soit « le fait d’utiliser des images que ne nous appartiennent pas ». Bien sûr, vous annoncerez que vous vous en fichez car vous êtes sponsorisés par Rhinoshield. Vous annoncerez que nos coques sont très variées : « Naruto, la Nasa, Fortnite, et tu peux même les personnaliser, en y mettant une photo de ta bite par exemple. » Dans une autre vidéo, vous vous grimerez en braconnier et annoncerez vous lancer à la poursuite d’un rhinocéros très rare, le fameux Rhinoshield, et ferez bien évidemment d’autres allusions au sexe masculin.

Ce brief n’existe pas mais les contenus sponsorisés suivant cette ligne, oui. Ils sont à mettre au crédit de la chaîne YouTube Vilebrequin qui s’est fait remarquer à la fin 2020 pour avoir battu le record d’Europe de levée de fonds la plus rapide: 300 000 euros en 24 heures – et 1 million au total, pour créer un Fiat Multipla de 1000 chevaux. Leur autre particularité est de déjouer allègrement les codes du placement produit. Les annonceurs ne veulent pas adosser leur image à la vulgarité et craignent pour leur « brand safety » ? Eux sautent les deux pieds dans le plat et le pipi-caca. Elles aiment à évoquer des thèmes porteurs pour leurs valeurs engagées ? Ce duo-là parle même de braconnage. C’est n’importe quoi ! On aime ou on n’aime pas. « C’est osé et ça fonctionne car ils savent parler à leur communauté ; ils ont beaucoup de vues et des commentaires positifs. Je ne suis pas leur cible, je ne peux pas juger mais je trouve ça étonnant et surprenant » relève Florence Dupont, directrice générale adjointe d’Influence4You. Contactés à ce sujet, les deux créateurs passionnés d’auto n’ont pas voulu répondre. Un compte de leurs meilleures intro sponsorisées a en tout cas vu le jour...

Pre-roll et skip

Pourquoi est-ce réussi ? Ces séquences sponsorisées attirent et retiennent l’attention, alors qu’elles durent deux minutes bien tapées. En publicité, une éternité, si bien que YouTube propose de « skipper » ses pre-rolls, courts par nature, au bout de cinq secondes à peine. « Les pubs classiques nous font suer car elles sont interruptives et on ne les a pas choisies. Ici on parle de style américain. C’est comme un pre-roll mais c’est très long. On voit beaucoup ça dans le gaming, explique Florence Dupont. Au moins, c’est clair pour l’abonné : j’ai besoin d’argent, je dois être transparent, vous aimez ce que je fais et en plus, j’ai testé ce produit et je l’aime bien donc je place mon sponsor dès le début. On peut dire que les influenceurs prennent le taureau par les cornes. » C’est ainsi que certains, voulant montrer qu’ils assument ce placement rémunéré, hurlent. Impossible en TV !

Quentin Bordage, fondateur et CEO de Kolsquare explique : « Si vous bridez un influenceur, alors vous exploitez une infime partie de son potentiel. C’est comme quand vous allez chercher une agence qui a des créatifs stars. Il faut considérer un influenceur comme un média très affinitaire dans un marché très fragmenté. Pour chaque fragment, il y a un influenceur avec ses codes. C’est fini le marketing top-down des années 80. » Alors qu’un internaute sur trois bloque la pub en ligne, selon une étude Eyeo (éditeur d’AdBlock Plus) de 2019, les annonceurs ne cracheront pas sur les recettes miracles des influenceurs, même désarçonnantes. D’ailleurs, le succès de l’influence marketing en général ne se dément pas : 68% des directeurs marketing américains y ont recours selon eMarketer, une proportion qui devrait passer à 72% en 2022. Le secteur se porte si bien que des marques se sont créées autour des influenceurs… Les cosmétiques naturels Hello Body, les montres Wellington, le très insistant Nord VPN ou les compléments alimentaires MyProtein – le salon mondial Body Fitness de Paris a doublé de taille à cause de TiboInShape, de ses codes promo et de tous ses fans.

Cambriolage

Si Rhinoshield ou Nord VPN, en bons pure players de l’influence, s’en sortent bien, ce n’est pas le cas de tous. « Quand on commence, on va être frileux et on va être regardant sur le contenu créé et donner des directives, comme à une agence et même un peu plus, car on a peur ! » pointe Quentin Bordage, qui souligne que s’agissant des grands groupes, les aspects juridiques ne sont jamais loin non plus. C’est comme les chasseurs. « Il y a ceux qui connaissent l’influence, comme les secteurs cosmétique et du gaming, et ceux qui la découvrent, comme l’hôtellerie, le tourisme et le food », note Florence Dupont, d’Influence4You. Avec un tel delta de maturité, le risque est de sonner terriblement faux et d’être ridicule. Sans aller jusqu’aux codes de Vilebrequin, beaucoup d’influenceurs sont devenus très créatifs et ont transformé leurs placements en véritables opérations spéciales. Pierre Croce cambriole une villa pour y dérober des produits mis en vente sur Rakuten par ses abonnés. McFly & Carlito remplacent les meubles de l’appartement de Lena par des briques Lego. Amixem récompense les abonnés qui le feront rire en live avec des cadeaux iGraal. Un énorme « saut en avant » a été fait ces quelques dernières années, selon Florence Dupont. Et on le doit… à la législation. Contraints de signaler le caractère sponsorisé d’un contenu, les créateurs ont redoublé d’imagination et bouleversent les codes de la pub. Précisons que cet article n'est pas sponsorisé !

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