Le marketing direct bouge encore. Menacé par l'émergence de l'e-mail marketing au début des années 2000, l'envoi de courriers publicitaires résiste. Selon une étude TNS Sofres/La Poste (1), les lettres de prospection commerciale ou de fidélisation sont lues par 97% des destinataires et conservées par 78% d'entre eux. Pas mal pour un média taxé de ringard à l'heure du tout Internet et des réseaux sociaux.
Mieux: le bon vieil échantillon inciterait encore 80% des Français à acheter et 86% déclarent avoir déjà utilisé des bons de réduction joints à un prospectus. Enfin, les jeunes (15/34 ans), pourtant présentés comme adeptes inconditionnels du «on line», sont 50% à penser que «le courrier publicitaire rend l'entreprise plus proche et plus humaine».
De son côté, l'Union française du marketing direct (UFMD) estime le poids du marketing direct et relationnel en 2010 (mailing, marketing téléphonique, prospectus, e-marketing) à 11% des dépenses de communication des annonceurs avec 13,6 milliards d'euros investis (2).
Cette technique marketing est même en croissance (+3,35 % en 2010), après une chute en 2009 durant la crise. Mais c'est la partie «on line» qui progresse le plus (+ 8,6 %), le marketing direct «traditionnel» étant plutôt en stagnation (+ 0,4 %).
Pour acheminer ces campagnes jusqu'à leur cible B to C ou B to B, agences et annonceurs utilisent les services de prestataires divers et variés: gestionnaires de bases de données, courtiers et propriétaires de fichiers, routeurs, imprimeurs, acteurs de l'e-marketing, etc.
Un marché fragmenté que se disputent plus de trois cents entreprises, la plupart très spécialisées. Quelques groupes multispécialistes émergent néanmoins, comme Diffusion Plus, Arvato (Bertelsmann), Mediapost (la Poste), Koba Global Services ou encore Multi-Pôles, issu de la fusion d'Actimail et TLG.
Ces sociétés traitent des volumes conséquents: dix milliards d'imprimés et d'échantillons publicitaires distribués par an par Mediapost, quatre milliards de courriers pour Arvato, près d'un milliard d'objets expédiés pour Diffusion Plus (3). C'est de fait une activité qui demande d'investir dans un équipement toujours plus sophistiqué.
«L'impression numérique couleur est apparue en 2006 et nous ne sommes pas au bout de cette courbe technologique», estime ainsi Cyrille Pattyn, directeur marketing et développement des activités marketing direct d'Arvato. La filiale du groupe allemand Bertelsmann a fait l'acquisition de quatre de ces machines. Autre technique récente, l'impression en continu qui utilise une bobine plutôt que des feuilles, plus rapide mais plus onéreuse.
Les campagnes de masse laissent progressivement la place à une multitude de petits envois très ciblés, qui nécessitent des machines différentes, pilotées par des logiciels ad hoc. «Ces dix dernières années, le métier s'est fortement informatisé pour pouvoir lancer des petites productions de cent, vingt, voire un seul pli», explique Christian Chapelin, directeur associé de Multi-Pôles.
Le «print on demand», association d'imprimantes numériques quatre couleurs et de fichiers numériques, permet plus de finesse, mais aussi un gain de temps. Au lieu d'envoyer un fichier PDF à l'imprimeur (appelé également «offsetiste», du nom de la technique d'impression offset) et d'attendre plusieurs jours le retour des documents imprimés, les nouvelles machines permettent de produire un mailing en une demi-journée.
Mais ce progrès à un coût. Une imprimante numérique capable de gérer texte, images, photos, plans vaut de 400 000 à 600 000 euros. Un investissement accessible uniquement aux prestataires importants. «Depuis 2005, nous en achetons une par an», précise Christian Chapelin.
Une manière de travailler qui permet aussi de piloter des opérations au niveau local, pour des entreprises à réseaux. C'est ce qu'a réalisé Arvato pour Castorama. «Quand l'enseigne fait une braderie, chaque magasin réclame une campagne adaptée à sa zone de chalandise pour l'envoi de mailings, e-mails, SMS, etc. Nous avons mis en place un système capable de respecter la charte graphique de l'enseigne tout en prenant en compte les données locales: dates, heures d'ouverture, rayons visés, etc.», détaille Cyrille Pattyn.
Coincés entre la baisse de l'activité économique, qui affecte directement le courrier publicitaire, et les nouvelles techniques de mise en relation (e-mails et réseaux sociaux), les prestataires du marketing direct n'ont d'autre choix que d'innover pour maintenir leurs parts de marché.
Sous-papier
Des coupons numériques pour les VIP d'Intermarché
Pour améliorer l'efficacité des prospectus publicitaires, Intermarché et son prestataire Catalina ont imaginé un dispositif mêlant coupon et courriel. Dans l'univers de la grande distribution, les envois de masse de coupons de réduction restent un moyen efficace de faire venir le client dans les points de vente. Mais le coût de ces prospectus, sur lesquels sont imprimés ces bons de réduction, est tel que tous les distributeurs cherchent à cibler au mieux les destinataires.
C'est ce que se propose de faire Catalina Marketing, qui se définit comme un spécialiste du «one to one de masse». Ce prestataire technologique de la grande distribution a mis au point un programme de fidélité pour certains clients VIP d'Intermarché nommé Vos Indispensables. «Un prospectus standard comprend deux à trois cents produits, et le consommateur n'achète que 2% de ces produits», rappelle William Faivre, PDG de Catalina.
Ces documents sont chers, peu écologiques et très inefficaces. Ils représenteraient 1% du chiffre d'affaires des enseignes dont la marge commerciale ne dépasse pas 1,5 à 2%. D'ailleurs, Michel-Édouard Leclerc a annoncé qu'il arrêterait les prospectus en 2020.
Pour améliorer l'efficacité de ces envois publicitaires, Catalina a analysé les achats des clients à forte valeur pour Intermarché grâce à la base des porteurs de cartes de fidélité. «Nous créons une sélection personnalisée susceptible d'intéresser ces clients VIP», détaille William Faivre.
Ce miniprospectus est envoyé par mail, un canal qui paraît bien fonctionner pour ce type d'opérations d'après Catalina, qui annonce un taux d'ouverture de ces mails «trente à quarante fois plus important que la moyenne». Cet envoi personnalisé sert à générer du trafic en magasin et une augmentation du panier moyen. Une manière aussi d'améliorer l'image de l'enseigne.
Ces opérations mensuelles concernent environ 20% des porteurs de cartes Intermarché qui ont donné leur adresse e-mail. Un dispositif qui permet de booster ce «mal nécessaire qu'est le prospectus», selon le PDG de Catalina.
Sous-papier
L'e-mail marketing toujours prisé
Trop spammé, peu fiable, pas assez social: l'e-mail est sous pression depuis quelque temps. Pourtant, ce canal de communication continue de séduire les consommateurs. Le marché français de l'e-mail marketing a été de 69 millions d'euros en 2010 (source: SNCD), en progression de 25% par rapport à 2009. Une appétence partagée par les décideurs marketing européens, si on en croit Ecircle, prestataire de solutions d'e-mail marketing.
Dans le troisième volet de son étude Panorama européen du social media et de l'e-mail (1), Ecircle montre ainsi que l'e-mail marketing est le premier des trois leviers utilisés par les décisionnaires marketing (60%), devant le «display» (48%) et le «social media» (40%).
Selon l'étude, «l'e-mail s'avère être un moyen de communication pertinent, surtout lorsqu'il s'agit de messages personnalisés en fonction de segments de clients spécifiques.» L'avenir de ce canal semble être une utilisation couplée à celle des réseaux sociaux. Mais, pour l'instant, seul un tiers des entreprises associent «social media» et e-mail marketing.
Ce qui offre beaucoup d'opportunités aux prestataires de ce marketing en ligne selon Bruno Florence, président de la commission e-marketing du SNCD, qui estime que «les prestataires sont amenés à accompagner et conseiller leurs clients pour faire évoluer les pratiques marketing. Le conseil et l'accompagnement deviennent des prestations majeures pour la gestion et le routage des e-mails.»
(1) 5 000 internautes et 600 décisionnaires marketing ont été interrogés dans six pays européens.