Vous venez de lancer un nouveau «business game», Reveal by L'Oréal, que vous estimez révolutionnaire. Qu'est-ce qui justifie ce qualificatif ?
François de Wazières. Traditionnellement les «business games» sont spécialisés par secteurs et souvent réservés aux jeunes diplômés de grandes écoles, Reveal by L'Oréal est unique parce qu'il s'adresse à tous. C'est le premier «business game» multimétier. Il est ouvert aux étudiants du monde entier, quelle que soit leur discipline : des étudiants en finance, en histoire de l'art, des ingénieurs en biologie, etc. Autre singularité : la solution de certains indices, indispensables pour finir le «business game», qui ne sont pas dans le jeu et demande donc un certain travail d'enquête. Le réel se mêle en quelque sorte au virtuel. Immergés dans un rôle de junior tout juste arrivé chez L'Oréal, les étudiants sont amenés à découvrir la culture d'entreprise et peuvent choisir le scénario de leur choix correspondant aux différents métiers du groupe. Puis, ils y évoluent. Toutes les options de carrière leur sont ouvertes, quelles que soient leurs disciplines initiales, même si elles sont très éloignées. En somme, ce jeu est l'occasion de révéler des talents, y compris dans des métiers ou secteurs qui n'avaient peut-être jamais été jusque-là envisagés par les candidats.
Est-ce une façon de répondre à ceux qui considèrent que les grandes entreprises françaises recrutent trop sur les diplômes au détriment de la personnalité des candidats ?
F. de W. Il y a sans doute en France une trop grande focalisation sur le diplôme. De même, il est très difficile de changer de métier. À l'intérieur de notre groupe, c'est possible. Un ingénieur peut par exemple décider de se lancer dans une nouvelle carrière dans le service marketing ou, comme moi, dans les ressources humaines – je suis ingénieur de formation. Chez nous, la personnalité, l'envie et l'ouverture d'esprit ont toujours été les principaux critères de recrutement. Ce «business game» est juste une occasion supplémentaire de le rappeler. Notre stratégie de recrutement a toujours été fondée sur trois grandes valeurs : recruter les meilleurs talents, favoriser l'épanouissement et l'ascension professionnelle de chacun, et promouvoir la diversité.
Sur la diversité, justement, L'Oréal communique souvent en mettant en avant le grand nombre de nationalités en son sein. Sauf qu'en France, la diversité, c'est surtout l'insertion des personnes handicapées, des minorités visibles, l'égalité hommes-femmes… pas le fait d'avoir des collaborateurs de différents pays. N'employez-vous pas le terme «diversité» de façon galvaudée ?
F. de W. Chez nous la diversité n'est pas un concept, mais une réalité. Le fait de compter plus de cent dix nationalités différentes dans nos effectifs est assez remarquable pour qu'on le mentionne. Pour autant, cela ne signifie pas que nous n'œuvrons pas dans les autres pans de la diversité. Nous menons des actions dans tous les domaines que vous avez évoqués, dans les quartiers difficiles, l'insertion des personnes handicapées… Pour exemple, à, l'heure où tout le monde parle d'un plafond de verre entre hommes et femmes, elles ont chez nous les mêmes postes à responsabilité que les hommes. Leur présence dans les comités de direction est en évolution constante. Ils sont aujourd'hui composés à 37% de femmes.
Quels objectifs assignez-vous à votre «business game» ?
F. de W. Avant même que l'on fasse de la communication sur Reveal by L'Oréal – mailing, teasing en écoles et universités, buzz sur les réseaux sociaux, vidéos virales, site, etc. –, 23 000 étudiants s'étaient déjà préinscrits. Nous espérons raisonnablement en avoir 100 000 à fin 2010. Un tiers de notre recrutement de stagiaires devrait provenir de cette plate-forme, soit entre 800 et 1 000 joueurs. Car une fois le jeu terminé, les joueurs les mieux notés auront la possibilité de passer deux jours dans une filiale L'Oréal de leur pays pour rencontrer des collaborateurs et des recruteurs locaux. Pour nous, ce «business game» est un formidable outil de présélection : il nous permet de toucher des jeunes partout dans le monde, notamment dans des écoles où nous n'allions pas.
Quelles sont vos prévisions de recrutement pour l'année 2010 ?
F. de W. Chaque année, nous recrutons environ 2 500 cadres en CDI au niveau mondial. En 2009, nous avons gelé les recrutements sur les marchés matures que sont l'Europe de l'Ouest et l'Amérique du Nord, sauf pour les stages. Environ 2 500 à 2 700 stagiaires nous ont rejoints. Il est vrai toutefois que l'enjeu du recrutement pour L'Oréal est de se développer en Chine, Inde, Afrique, Moyen-Orient et Amérique du Sud. Dans cinq ans, ces régions compteront pour au moins 50% de notre activité.
Et cette année ? Quid des prévisions d'embauche en France et des recrutements des profils marketing et communication ?
F. de W. Nous prévoyons de recruter dans l'Hexagone 800 stagiaires et entre 100 à 150 jeunes diplômés en CDI cette année. En marketing, nous recherchons des candidats susceptibles de comprendre les ressorts du déclenchement de l'acte d'achat. Les profils marketing représentent 35% de nos recrutements, la communication 5%. Ce sont à nos yeux des matières fondamentales. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons fait le choix de conserver à côté de Reveal by L'Oréal, le «business game» L'Oréal Brandstorm, destiné aux étudiants en marketing et communication. Cette année, ce sont encore 5 000 joueurs issus de quarante pays qui vont y participer. Nous avons parallèlement supprimé tous nos autres «business games».
Deuxième «employeur idéal» en France, quatrième en Europe, quatorzième au niveau mondial, L'Oréal a la cote auprès des étudiants d'écoles de commerce et d'ingénieurs, selon l'étude Universum 2009. Quelles sont les recettes de votre attractivité ?
F. de W. Beaucoup de facteurs l'expliquent. Notamment la nature de notre industrie, la pérennité de notre entreprise centenaire – L'Oréal a connu vingt-trois ans de croissance à deux chiffres jusqu'en 2008–, et la richesse de nos propositions de carrière. La mobilité interne comme internationale fonctionne à plein. Ainsi, 12% de nos collaborateurs et 41% de nos «top managers» travaillent dans des pays différents de celui dont ils sont originaires. Sans oublier bien sûr notre politique innovante en matière de marque employeur.
À quelles innovations, faites-vous référence ?
F. de W. Reveal by L'Oréal est la dernière en date. Mais cette politique d'innovation marque employeur a toujours été l'une de nos spécificités. Plutôt que de créer une communication de masse via de l'achat d'espace, nous cherchons de plus en plus à créer des contacts individualisés sur des réseaux sociaux et sites de partages de vidéos, comme les vidéos jobs que l'on y a mis où les salariés parlent avec des accents de sincérité de leur métier. Idem, les interventions de nos opérationnels dans nos actions écoles sont dorénavant filmées et envoyées sur différents sites pour créer du buzz. Nos salariés sont nos meilleurs ambassadeurs. Sur les réseaux sociaux, nos pages comptent plus de 18 000 fans, qui nous adressent chaque semaine des centaines de questions auxquelles nous répondons systématiquement. Si les jeunes croient en nous, c'est sans doute aussi parce que l'on croit en eux.