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L'intelligence artificielle a développé une nouvelle compétence : générer des illustrations à partir de mots. Même si cette prouesse révolutionne certains secteurs, notamment celui de la création, elle semble avoir ses limites.

« Dall-E ». Depuis quelques mois le monde n’a que ce mot à la bouche, du moins le monde de la création. Mais que veut dire ce mot valise qui ressemble étrangement au peintre espagnol, Dali, hybridé avec le robot du film Wall-E ? En fait, ce nom renvoie à une start-up, OpenAI, soutenue notamment par Microsoft, qui a crée en janvier 2021 l'outil d’intelligence artificielle Dall-E puis en avril 2022 son successeur Dall-E 2. Grâce à l’IA, cette plateforme permet de créer des images à l’aide de descriptions textuelles. Exemple avec l’illustration 1 née à partir des mots : « Stratégies magazine on AI creative mind ». La plateforme s’appuie sur une base de données gigantesque d'images. Mais elle n’est pas la seule sur le marché. En parallèle, d’autres générateurs d’images se sont lancés : les modèles open source Craiyon et Stable Diffusion ou encore MidJourney, accessible uniquement via Discord.

« Les IA sont entraînées à apprendre des “patterns”, à reconnaître des motifs de répétition.  En effet, l'IA est un outil, mais ce n'est pas un outil innocent : elle structure aussi nos représentations. Pour comprendre comment fonctionne une IA, il faut avoir en tête que ses résultats biaisés ne sont que le produit d'une base de données biaisée ; soit d'origine, soit par les data scientists qui ont collecté et nettoyé les données. Elles peuvent donc reproduire les biais des bases de données sur lesquelles elles se sont entraînées. Par exemple, une recherche de "CEO" peut donner majoritairement des images d'hommes », explique Laura Sibony, enseignante à HEC et auteure chez Grasset.

Est-ce que ce qui semble être une tendance de fond, un énième buzzword à la mode, subira la même mise au placard que d’autres innovations technologiques telles la VR ou l’impression 3D ? Il y a quelques années déjà, Stratégies avait traité le sujet « Mon créa est une IA » alors que cette fameuse intelligence artificielle, encore à ses prémices, ne constituait encore qu'une sorte de gadget pour les agences. Mais cette technologie s’ouvre au grand public et se démocratise. Avec une inscription sur liste d’attente, Dall-E, qui comptait en avril dernier 400 utilisateurs, en dénombre actuellement deux million. « On a atteint en 2022 quelque chose de fulgurant. L’IA n’est pas un phénomène nouveau. En revanche, ce qui l’est, c’est que tout le monde peut avoir accès à ces outils et qu’ils deviennent plus ancrés dans la production », témoigne David Raichman, executive créative director chez Ogilvy Paris.

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Aujourd'hui, sans nul doute, le phénomène prend de l’ampleur. Au point de faire trembler les artistes. « Notre travail est-il mort ? », entend-on dans le milieu. Pas de quoi s’affoler, selon David Raichman : « C'est comme au moment de la naissance du cinéma : tout le monde prédisait la mort du théâtre. Cet outil, il faut l’embrasser, c’est une aide qui apporte de nouvelles idées. L'IA, il ne faut pas la voir comme une compétitrice, car ces plateformes ne sont pas autonomes. Même si tu tapes n’importe quoi, tu auras une belle image. La réalité est que tu ne peux pas substituer un savoir-faire de “craft”, l’IA ne décide pas si tu ne décides pas pour elle. Ceux qui devraient se sentir en danger, ce sont les générateurs d’images de type Getty Images ou Istock. » C’est d’ailleurs pour cela qu’en septembre de cette année, Getty Images a pris la décision de bannir les visuels générés par l'IA.

Pour d’autres, l'intelligence artificielle peut néanmoins être vue comme un appui, une aide, lorsque l’on souffre du syndrome de la page blanche. « Le dessinateur de BD underground Robert Crumb a un jour pris du LSD et a raconté que ça lui avait ouvert des champs, qu’il a pu dessiner de nouvelles choses. Bien sûr, je ne veux pas comparer l’IA à une fabuleuse drogue mais j'utilise cette analogie pour montrer qu’elle aide à creuser des nouveaux endroits où on avait pas encore creusé », raconte Joachim Roncin. Quand il a intégré l'équipe des JO, le designer s’est amusé à tester cette IA et à prendre son pouls créatif. « Quand j’ai tapé Paris 2024 JO, la plateforme m’a donné une image de la tour Eiffel entourée d’un monstre, c’était sombre et pour le coup étonnant, témoigne-t-il. Quand on tape une date future, il y a comme une vision très dépressive. L'IA n'a pas pris en compte le côté festif de l’événement sauf quand j’ai ajouté les termes "festif" , "évènement"… »

Au-delà du spleen inhérent à cette machine, une nouvelle fonctionnalité est apparue sur la plateforme Dall-E, permettant d’étendre une image en reproduisant le style d’un artiste. L’agence Ogilvy Paris en a d’ailleurs tiré profit pour créer une des premières campagnes à l’aide de cette technologie à destination d’un annonceur, La Laitière de Nestlé. « À droite de La Laitière il y a une cuisine, nous avons pris un carré et écrit des instructions pour que l’IA reproduise nos consignes et augmente le tableau de base signé de l’artiste Vermeer. Comme avec un puzzle, l’IA a continué l’histoire », relate David Raichman.

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Mais le public fera-t-il bien la différence entre ces images produites par ces robots intelligents et celles produites par l’humain ? « À titre de comparaison, quand une scène de film pour un blockbuster est tournée en images de synthèse, ce n’est jamais signifié. Il faudra simplement mentionner la participation d’une IA lorsque ce sont des professionnels qui sont visés », reprend le créatif d’Ogilvy. N’en déplaise à quelques faussaires et autres escrocs, ces images ne seront jamais l’œuvre d’un artiste. « En tant qu’artistes, nous cherchons la perfection et l’IA donne quelque chose qui ressemble à cette perfection. Mais l’art humain, s’il marche, c’est grâce à son imperfection », avance Joachim Roncin.

En revanche, un flou persiste quant à la politique de propriété. « Pour l’instant, ce n’est pas clair, même si aux États-Unis une cour a reconnu une œuvre créée par MidJourney. Si cela tend à se démocratiser, il faut régler le problème de droit d’image, savoir si elle appartient à la plateforme ou aux créateurs », pointe Laura Sibony. Il en va de même pour la propriété intellectuelle des artistes puisque ces plateformes se permettent de recréer leurs styles voire de les mélanger. Si le législateur n'a pas tranché, c’est aussi parce que le commun des mortels tâtonne encore avec ces nouvelles technologies, qui sont parfois encore au stade de prototypes. « Il y a clairement un manque d’éducation autour de l’intelligence artificielle alors qu’elle serait nécessaire. En effet les gens seraient surpris de voir à quel point elle est présente autour de nous », relance Laura Sibony. D'autant plus avec le lancement récent par Meta de Make a video, son générateur de vidéos, ou encore la création de Salt, un film de science-fiction entièrement généré oar IA. Après le text-to-image, le text-to-video ?

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