En raison de biais cognitifs, l'intuition du recruteur peut l'amener à ne pas choisir la bonne personne. Mieux vaut se tourner vers des méthodes plus scientifiques.
Si de nombreuses entreprises font évoluer leurs pratiques pour le meilleur, certaines continuent de s’appuyer sur des méthodologies peu fiables pour sélectionner les candidats. Dans l’histoire du recrutement, l’entretien non structuré a en ce sens été la technique la plus utilisée, car perçue comme plus efficace, professionnelle et agréable que les autres outils. 90% des recrutements impliqueraient ainsi un entretien – surtout non structurés.
Cette façon de procéder a toutefois contribué à détériorer la qualité des décisions, en laissant une trop grande place à l’intuition et aux biais cognitifs. En témoignent, par exemple, les nombreux échecs de recrutement ou la persistance de nombreuses discriminations dans les processus de sélection. Malheureusement, la confiance, souvent aveugle, que chacun peut avoir en son intuition est pauvre prédictrice de sa qualité : l’entretien non structuré est ainsi très peu explicatif de la performance future d’un collaborateur.
Si l’intuition reflète nos idées et croyances profondes, elle est donc souvent trompeuse. La confiance que nous pouvons lui accorder relève alors plus d’un biais de supériorité illusoire – biais par lequel un individu tend à surestimer ses propres capacités, en se pensant, a minima, supérieur à la moyenne. Souvent envisagée comme une faculté mystique, l’intuition s’explique plutôt par des mécanismes physiologiques clairs. Elle correspond à la capacité de notre cerveau à reconnaître, de manière inconsciente, une configuration de choix déjà rencontrée par le passé, et à retrouver en mémoire les éléments appris à son sujet. En somme, un processus rapide et automatique, basé sur des apprentissages précédents, et chargé en émotions.
Daniel Kahneman, psychologue et prix Nobel d’économie, et Gary Klein, psychologue et pionnier dans le domaine de la prise de décision naturaliste, expliquent que, pour développer une intuition fiable, trois conditions doivent être réunies : prendre une décision dans un environnement stable et prévisible, avoir énormément d'entraînement et avoir un feedback immédiat et non-ambigu sur la qualité de cette décision.
Le test psychométrique, un outil précis
Ces conditions permettent de comprendre pourquoi il est improbable que l’intuition soit fiable dans les décisions de recrutement. D'abord, si certaines données (personnalité et capacités de raisonnement) permettent de prédire une bonne partie de la performance future d’un collaborateur, le recrutement implique toujours une part de variabilité inexpliquée, comme les évènements de vie du collaborateur, les changements organisationnels ou environnementaux...
De plus, même si les recruteurs ont une forte charge de travail, le volume de recrutement est insuffisant pour développer une intuition fiable et informée. Les possibilités de réussites, et d’échecs, qui pourraient permettre au recruteur de développer son intuition sont limitées. Enfin, peu de recruteurs ont accès à un feedback immédiat et non-ambigu sur la performance du candidat qu’ils ont recruté une fois en poste. Chaque décisionnaire doit ainsi reconnaître les limites de son intuition, et adopter une démarche davantage scientifique, qui vise à tester son intuition et ses hypothèses avec des données valides et vérifiables, comme des tests psychométriques ou des entretiens plus structurés.
C'est pourquoi il est important de prendre le temps de mesurer les critères qui donneront une prédiction solide de la capacité d'un candidat à réussir, plutôt que de céder à la simplicité et la satisfaction immédiate qu’amène une prise de décision intuitive. Les recherches en psychologie du travail démontrent ainsi que les résultats à un test psychométrique (par exemple, un test de raisonnement) ont plus de valeur prédictive qu’un entretien non structuré… ou qu’une simple équation s’avère plus performante et précise pour recruter.