Si le taux d’emploi des personnes en situation de handicap n’atteint toujours pas l’objectif fixé par la loi de 1987, la situation est encore moins bonne dans les médias et la com’. Les grands groupes mènent des actions volontaristes, mais l’inclusion des différentes formes de handicap reste une gageure pour les PME.
Trente-cinq ans après la loi instituant l’obligation d’emploi de 6 % de personnes en situation de handicap, le compte n’y est toujours pas. Au premier semestre 2021, le taux d’emploi des travailleurs handicapés est de 4,8 % selon l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées). Mais, « après une année 2020 marquée par un recul des insertions […], celles-ci ont fortement redémarré au premier semestre 2021 avec des taux de croissance supérieurs à 20 % », pointe l’Agefiph.
La communication et les médias font plutôt figure de mauvais élèves (cf. tableau ci-dessous). À l’exception des chaînes généralistes (4,21 %) et des quotidiens (3,05 %), les autres branches ont un taux d’emploi moitié moins élevé que la moyenne.
« La situation dans ce secteur s’est améliorée, notamment via la meilleure visibilité du handicap dans la production audiovisuelle ou la médiatisation des Jeux paralympiques, mais cela reste insuffisant », souligne Hugues Defoy, directeur métier en charge de la mobilisation du monde économique et social à l’Agefiph. Médias et pub « ont une responsabilité sociale pour rendre le handicap plus visible », avance-t-il car « il y a toujours une représentation faussée : le handicap, c’est le fauteuil roulant ou la canne blanche… Or, il y a aussi le handicap psychique, les maladies chroniques ou évolutives ».
Définition élargie
En effet, depuis la loi de 2005, la définition du handicap a été élargie*. Avec cette définition, 12 millions de Français seraient en situation de handicap, avance Katia Richomme Huet, responsable de la chaire Management et Handicap à Kedge Business School. « Cela oblige à regarder l’autre comme potentiellement en situation de handicap, dont je n’aurais pas forcément connaissance », poursuit-elle. L’écart à la moyenne est particulièrement marqué dans l’encadrement, analyse-t-elle. « Auparavant, si j’avais un handicap, je ne faisais pas d’études supérieures et je n’avais donc pas accès aux postes de cadres », résume la chercheuse. Le constat a peu changé : en 2021, seul 1,69 % des étudiants et 1,57 % des élèves des grandes écoles ont un handicap…
Face à ce fossé qui persiste entre handicap et monde du travail, les grandes entreprises de médias et de la communication ont pris le problème à bras-le-corps. Dès 2007, TF1 crée une Mission handicap. « Mon job, c’est de rendre possible ce qui paraît impossible », résume Céline Gaxatte, sa responsable, en soulignant que cela nécessite des solutions sur-mesure : « On s’adapte à chaque fois à une personne, une situation, un handicap ». Le groupe TF1 emploie 4,59 % de personnes en situation de handicap et 26 recrutements ont eu lieu en 2021.
De son côté, Radio France a inauguré en janvier 2021 son programme Egalité 360°. « Notre enjeu est de faire reconnaître la marque employeur Radio France pour sa politique d’inclusion », détaille Bruno Laforestrie, président du Comité Egalité 360°. « Il faut établir un climat de confiance, c’est pour cela que nous menons nos politiques RH et éditoriale en cohérence », poursuit-il. Objectif du groupe public : atteindre 4 % d’emploi direct, taux dont il est proche.
Volonté de progresser
Du côté des agences de communication, même volonté de progresser dans l’inclusion. « Aujourd’hui, les profils sont plus normés, nous avons tendance à embaucher nos clones, alors que notre métier est de faire la différence », se désole Christian Coquart, responsable RSE, diversité et inclusion chez Dentsu, en charge du handicap à l’AACC. « Travailler avec quelqu’un qui a un handicap est un levier de résilience, de créativité et de performance, mais aussi de business », énonce-t-il en rappelant que 15 % des Français déclarent ne pas être à l’aise avec le numérique. « Le talent n’a pas d’âge, de couleur de peau, d’origine sociale ou de handicap », poursuit en écho Leïla Grison, responsable inclusion et diversité chez Publicis France. « Le management de la singularité, notamment les profils neuro-divers, est encore peu pris en compte. Il est pourtant une source majeure de création et d’innovation pour les entreprises qui sauront les valoriser, en particulier les créatifs ou les spécialistes de la tech », complète-t-elle.
Si les grands acteurs de la communication développent des politiques d’inclusion du handicap volontaristes, les PME sont peu « armées » en termes de RH pour faire face à la diversité des cas. De fait, 80 % des handicaps sont invisibles. Dans la communication, il n’y a que peu d’entreprises adaptées, à l’image de l’agence Les Papillons de Jour ou de Deafi, prestataire dédié à la relation clients des personnes malentendantes. Créé par Jean-Charles Correa, Deafi compte 65 salariés, l’essentiel avec handicap auditif. « Nous avons un double défi : l’accessibilité des services clients et l’employabilité de nos salariés », dévoile la responsable RH, Morgane Leibovitch. « Nous accompagnons nos salariés à décrypter les codes implicites de l’entreprise, mais nous faisons aussi beaucoup de pédagogie auprès de nos clients », détaille-t-elle.
« L’intérêt c’est que les entreprises ouvrent leurs portes à toutes les différences et à toutes les compétences, rappelle Hugues Defoy à l’Agefiph. Pourquoi se priver d’un vivier de talents, alors que l’on est dans une situation de forte tension sur l’emploi ? »
*« Constitue un handicap, […] toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »
10 juillet 1987 : crée, pour les entreprises de plus de 20 salariés, l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés.
11 février 2005 : élargit la définition du handicap, renforce les sanctions en cas de non-respect de l’obligation d’emploi, mais prévoit aussi des incitations pour les employeurs.
5 septembre 2018 : depuis le 1er janvier 2020, la déclaration d’emploi est obligatoire pour toutes les entreprises et la valorisation de la sous-traitance auprès d’une entreprise adaptée a été réformée.