Avec le sursaut économique post-crise sanitaire, les offres d’emploi constituent un exercice de style qui reste très pratiqué. Mais, pas toujours maîtrisé, il est aussi désuet.
Avec 153 000 emplois créés au second semestre 2021 et 80 000 prévus sur les six premiers mois de 2022, dixit l’Insee, la rédaction d’une offre d’emploi est un exercice de style plus que jamais d’actualité pour les entreprises. « Avec ce cycle de tension économique, on se rend compte que les candidats perdent l’habitude de consulter les offres, analyse Paul Courtaud, general manager de Neobrain, entreprise en pleine expansion, spécialisée dans l’intelligence artificielle au service du management des talents. Les sollicitations directes sont de plus en plus fréquentes. Une offre d’emploi aujourd’hui ? Ce n’est plus un passage obligé. Pour nos recrutements en cours, 60 % font l’objet de chasses. » Une démarche qui est loin de concerner tous les secteurs d’activité. Et tous les postes.
En moins de deux ans, l’organisation du travail a été totalement bouleversée, mais qu’en est-il pour les offres d’emploi ? « Bac + 5, un diplôme de grande école, avec un ou deux ans d’expérience, c’est souvent du copier-coller que l’on retrouve d’annonce en annonce, commente Yann Gabay, fondateur d’Oreegami, académie sociale et solidaire de formation aux métiers du marketing digital. Les candidats ne se reconnaissent pas dans le contenu. L’annonce traduit un modèle mental resté archaïque, dépassé. » Peu traité, le sujet des offres d’emploi fait réagir.
« Entre 1987, année où j’ai commencé, et maintenant, elles n’ont pas du tout changé, s’agace Didier Pitelet, CEO d’Henoch consulting. La structure actuelle repose sur une définition de poste. Rien de plus banal alors qu’elle devrait être une vraie poignée de main entre un employeur et un futur collaborateur. » Poignée de main, vitrine, reflet, porte d’entrée…. Les métaphores sont variées, mais toutes pointent – en filigrane – les faiblesses du modèle dominant. « Malheureusement, les chargés de recrutement qui postent les annonces ne sont pas compétents, poursuit Didier Pitelet, alors qu’ils sont les premiers à parler de marque employeur. Depuis des décennies, la médiocrité est de mise. » Peu traité, le sujet des offres d’emploi fait réagir, et parfois les propos « piquent un peu ».
À quand la mention du salaire ?
Pourtant, la rédaction d’une offre d’emploi repose sur un savoir-faire indéniable. Exemple à GroupM, branche média du groupe WPP où 80 postes sont ouverts. La rédaction d’une offre demande une heure à une heure trente de travail et des allers-retours avec le management opérationnel. « On n’externalise pas l’écriture, précise Louise Mertzeisen, la DRH. Mais on ne part pas de rien. On a beaucoup investi sur ce champ-là. La pandémie du covid a été mise à profit. »
La définition du profil et l’attractivité de l’annonce peuvent faire l’objet d’un travail approfondi. « La prise de conscience des entreprises de devoir faire évoluer les offres est bien au rendez-vous, confirme Éric Gras, senior evangelist chez Indeed France, méta-moteur de recherche d’emploi, surtout des grandes. Ce n’est pas forcément vrai des plus petites qui constituent pourtant 90% du tissu économique. Or 87% des recrutements se font via l’offre d’emploi. C’est même le premier vecteur de communication. Et nos pays voisins, Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas, confrontés à un chômage bas depuis plus longtemps, sont rompus à des offres plus courtes, plus inclusives. Qui affichent les avantages. Par exemple, la présence de la rémunération est un réflexe quand chez nous, elle fait figure d’exception. »
Le salaire ? « 93% des candidats disent y être attentifs, note Lysiane Villedieu, consultante du cabinet de recrutement digital IT web Clémentine, quand les recruteurs opèrent un véritable black-out sur le sujet. La réciprocité sur la transparence des informations n’existe pas. L’ancien salaire, les prétentions… le recruteur questionne le candidat. Certes, les offres sont aussi visibles des collaborateurs en place. Et un niveau de rémunération peut générer des tensions. Mais, en février 2022, les candidats ont – en parallèle – deux ou trois recrutements en cours. Tout un travail d’évangélisation des recruteurs reste à faire. » Selon Talents.Com, l’affichage du salaire génère 80% de candidats supplémentaires.
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La forme et le fond
Toute liste à la Prévert est à proscrire, tout comme la fiche de poste façon fonction publique. L’annonce doit raconter une histoire. Qu’est-ce que cela va développer comme qualité chez le candidat ? Comment il peut évoluer ? De quel accompagnement va-t-il bénéficier pendant les premiers mois ? Quel équilibre vie pro / vie perso est proposé ? Et Yann Gabay de multiplier les points que doit aborder aujourd’hui une annonce. Exit le chef de projet en libellé de poste, le mot consultant ou les termes « leader sur son marché »! « Pareille expression n’a pas de valeur, commente Isabelle Lefeuvre, conseillère clients à l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) à Paris, tant il y a eu des usages abusifs. »
Le fond importe autant que la forme. « Nombre d’entreprises voient l’offre comme un acte purement administratif, dénué de sens, dénonce Yann de Rolland, manager au sein de Walters People, spécialiste du recrutement intérimaire et permanent pour les fonctions supports et financières. Or quand il n’y a aucune âme, aucune humanité, alors il n’y a aucun candidat. Et 72% des candidats font attention à la qualité grammaticale de l’offre. Ils sont devenus exigeants. » Leur temps d’attention sur une offre ? Entre 50 secondes et 1min10, selon Talents.com.
Valentin Konrad, fondateur de Flatchr, entreprise spécialisée dans le logiciel de recrutement
Avec la reprise économique, constatez-vous une envolée des offres d’emploi ?
C’est une réponse de Normand qui s’impose. Oui, après une baisse importante en avril 2020, où l’on était à 3,6 offres par entreprise et par mois, pour atteindre 9 offres par entreprise et par mois au second semestre 2021. Et non, parce que c’est tout à fait proportionnel à la poussée du taux de croissance. En revanche, ce qui est spectaculaire, la baisse du nombre de candidats !
Y a-t-il des job boards plus efficients que d’autres ?
Semestre après semestre, nous éditons un baromètre. Et Indeed se trouve toujours en tête. Cadres, non-cadres, c’est un agrégateur qui aspire toutes les offres. Mais ce que nous enseigne également le baromètre, c’est que les sites carrière des entreprises arrivent en deuxième position, avant HelloWork. Les sites carrière ? Les candidats s’y retrouvent pour aller plus loin dans la recherche d’information, connaître les valeurs, y visionner des vidéos…. C’est la deuxième source de recrutement. C’est le deuxième vecteur qui transfère des candidatures aux entreprises. Aussi, doivent-elles créer une synergie entre les offres parues sur les job boards et le contenu de leur site propre ?
Et la place du contrat à durée indéterminée (CDI) dans vos statistiques ?
De 50% au premier semestre 2020, il représente 64% des offres qui circulent aujourd’hui. Rien de surprenant. En revanche, on parle beaucoup des indépendants, des freelance…. Mais leur part reste stable à 5%.