Emploi
Alors que la transformation numérique s’intensifie, la data, la gestion des réseaux et la cybersécurité se taillent la part du lion parmi les métiers émergents, d'après un classement de LinkedIn. Sans éclipser d’anciennes gloires et quelques nouveaux venus.

And the winner is… Pour établir le classement des métiers ascendants, LinkedIn s’est basé sur « le taux de recrutement et le taux de croissance annuel composé pour chaque profession entre 2015 et 2019 ». Au final, le tableau affiche des résultats en partie attendus pour 2019. Les métiers liés à la data, à la gestion des réseaux et à la cybersécurité se taillent en effet la part du lion. Sans surprise, plus de 42% des talents employés dans des postes émergents travaillent dans les secteurs des services informatiques, des éditeurs de logiciels et des acteurs du web. « La tendance devrait se poursuivre, comme en témoigne l’énorme bond en avant du secteur de la sécurité informatique et réseau avec 63% de talents en plus par rapport à l’année dernière », note Esther Ohayon, directrice de la communication de LinkedIn France.

Cette évolution vient secouer le monde feutré des recruteurs. Dans cet univers où prime la rareté des candidats, les entreprises ne sont plus maîtres du choix et elles le vivent mal, constate Charlotte Vitoux, directrice générale du cabinet de recrutement Aquent : « Pour les profils data, il faut une grande force de conviction pour convaincre une entreprise qu’elle a de la chance qu’un candidat s’intéresse à son offre. » Dans ce domaine ne s’applique plus du tout le canevas traditionnel du recrutement qui passe par la chasse au bon profil, le call de pré-qualification, l’échange direct, etc. jusqu’au business case et la proposition. « Ce sont des talents plutôt que des profils, souligne Charlotte Vitoux. Ce sont eux qui décident du moment de la rencontre ! Ce n’est pas le recruteur ou le futur manager qui ont le lead. » Très exigeants sur le management, la fonction, ses enjeux, ces profils se détournent des recruteurs réticents à jouer cartes sur table. « La plupart des entreprises n’ont pas encore conscience de ces difficultés, à l’exception de celles qui ont déjà été confrontés à des échecs de recrutement », note Charlotte Vitoux.

Les bons produits feront la différence

« C’est comme au début du web », estime Marc de Torquat, dirigeant de Shefferd, une époque durant laquelle, faute de formation adaptée, « il y avait peu de professionnels capables de répondre aux attentes des entreprises ». Constatant que l’écart entre offre et demande est encore important même s’il tend à diminuer grâce à une augmentation des capacités de formation, il souligne que ce sont surtout des profils juniors qui sont sur le marché, d’où plusieurs problèmes : « Le niveau d'expertise attendu n'est pas toujours au rendez-vous. Et ces experts ont par ailleurs besoin d'un temps d'adaptation au secteur. Ce temps d'assimilation à l'environnement est variable car il dépend en partie des soft skills. »

Cette inadaptation de l’offre à la demande ne doit pas pour autant faire oublier l’essentiel, estime pour sa part Pierre Lamblin, directeur des études de l’Apec. Selon lui, les entreprises « ne feront pas la différence uniquement sur ces domaines » car « elles devront aussi concevoir de bons produits ». Il appelle à la prudence sur cette notion des métiers émergents, rappelant que « beaucoup de paramètres entrent en ligne de compte : la vitesse à laquelle ils se développent dépend des évolutions technologiques, de leur appropriation par les entreprises et de l'évolution des usages ». Il précise en outre que les cadres sont affectés de façon spécifique : « Parmi eux, c'est surtout la palette des compétences qui va s'élargir du fait de la transformation numérique des entreprises. Globalement, la plupart des métiers se transforment mais il y a peu de métiers vraiment nouveaux. »

Dans ce monde très orienté sur la data et les réseaux, quelques métiers moins attendus ont su se trouver une place de choix. C’est le cas du « customer success specialist ». « Pas vraiment une nouveauté », nuance toutefois Jacques Froissant, président du cabinet de recrutement Altaïde, qui y voit simplement le nouveau nom du traditionnel service client : « Toutes les entreprises qui en accompagnent d’autres dans leur digitalisation ont maintenant des équipes qui s’assurent de la satisfaction des clients. Aujourd’hui, la vente englobe aussi la satisfaction client, en particulier dans le domaine des solutions SaaS (Software as a Service). Ces éditeurs ont pour objectif que leurs clients utilisent leurs services et en soient satisfaits afin de pouvoir leur vendre des fonctionnalités supplémentaires. »

L'agent immobilier fait rêver

Plus étonnant encore, la présence sur la troisième marche du podium d’un métier perçu comme traditionnel : l’agent immobilier. Certes, ce secteur connaît une forte croissance, portée par l’envolée des prix, mais d’autres facteurs jouent, notamment l’évolution du cadre juridique ainsi que les pratiques des clients. Désormais les biens s’échangent plus rapidement, ajoute Jacques Froissant : « Alors qu’il y a cinquante ans, un bien immobilier se gardait toute une vie durant, aujourd’hui, il est revendu au bout de cinq ou dix ans. » Charlotte Vitoux préfère mettre l’accent sur l’engouement que suscite ce métier, trop souvent assimilé à une activité facile à exercer : « Le métier d’agent immobilier fait rêver parce que les candidats voient juste le bout de la chaîne, c’est-à-dire la conclusion de l’achat. Ils s’imaginent que ce court laps de temps suffit pour recevoir la commission… » La réalité est bien différente, comme elle a pu le constater pour avoir occupé le poste de responsable de recrutement dans un réseau spécialisé dans les biens immobiliers de standing : « Il faut faire du “farming”, c’est-à-dire du porte-à-porte, aller voir les commerçants du quartier et instaurer un lien de confiance avec eux pour avoir des informations sur les biens à vendre qui, pour beaucoup et en particulier ceux qui ont le plus de valeur, ne font pas l’objet d’une publicité sur les réseaux. » Un métier où il faut travailler tôt le matin, tard le soir et souvent le week-end pour dénicher les précieuses informations qui aboutiront à une transaction. Des data scientists avant l’heure en somme...

Les 15 métiers émergents en 2019



1. Délégué à la protection des données

2. Ingénieur en intelligence artificielle

3. Agent immobilier

4. Customer success specialist

5. Community manager

6. Ingénieur en fiabilité de site (SRE)

7. Spécialiste en cybersécurité

8. Ingénieur DevOps

9. Ingénieur data

10. Data scientist

11. Consultant data

12. Responsable recrutement

13. Développeur big data

14. Recruteur IT

15. Analyste en capital investissement

 

Source : Rapport 2020 de LinkedIn sur les métiers émergents 

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