Jusqu'ici, la clause de conscience était le privilège des journalistes. Depuis un arrêt de la Cour de cassation le 28 janvier, c'est fini! Les dirigeants aussi peuvent en bénéficier. Le principe de la clause de conscience? Dans le cas où la majorité du capital de son entreprise change de main, un journaliste peut la quitter sans préavis, en bénéficiant d'une indemnité de licenciement (article L. 7112-5 du Code du travail). À condition tout même que cela ait induit un changement notable dans le caractère ou l'orientation de son média.
Dans l'affaire jugée par la Cour de cassation, une ancienne «chief performance officer» d'Havas poursuivait son employeur pour obtenir le bénéfice d'une «clause de changement de contrôle», incluse dans son contrat de travail et bâtie sur le modèle de la clause de conscience. En effet, deux ans après son arrivée, Vincent Bolloré prenait le contrôle d'Havas et changeait son état-major. La Cour a reconnu la validité de cette clause et la dirigeante a pu bénéficier de l'indemnité de rupture qu'elle prévoyait, soit vingt et un mois de salaire (un peu plus d'un million d'euros). Selon Paul Van Deth, spécialiste du droit du travail au sein du cabinet Vaughan Avocats, «cette décision de la Cour de cassation est saine car elle privilégie la volonté des parties et s'inscrit, en quelque sorte, dans la droite ligne de la rupture conventionnelle».
Seulement pour les cadres de direction
Les avocats se frottent les mains aux perspectives que cela leur ouvre. «L'idée d'intégrer cette clause dans ce contrat était géniale, s'extasie Myriam Laguillon, avocate en droit du travail à Bordeaux. En effet, les cadres supérieurs sont très nombreux à être victimes, quelques années après leur arrivée, d'un changement d'actionnaire.» Toutefois, cette clause ne pourra bénéficier qu'aux cadres de direction, les seuls à subir les conséquences directes du changement d'actionnaire. Myriam Laguillon affirme avoir déjà reçu des coups de fil de dirigeants lui demandant de leur rédiger des clauses identiques.
Seules ombres au tableau: à la différence des journalistes pour lesquels le bénéfice de cette clause de conscience est prévu par le code du travail, les dirigeants, eux, doivent la faire inscrire dans leur contrat. Et ils devront être sacrément en position de force pour pouvoir l'imposer à leur arrivée dans la société. N'est-ce pas anticiper un changement de contrôle de l'actionnariat? Enfin, un point reste à éclaircir, selon Paul Van Deth: «Comme cette clause n'est pas prévue par le code du travail, il n'est pas évident que les dirigeants puissent ensuite bénéficier des allocations chômage.»