Jamais la langue n'a autant bougé, grandi, évolué. Sur le Web, elle est brassée continuellement. Elle circule. Elle évolue. Quelles explications avancer ? Tous les processus de création de mots sur Internet répondent à un même postulat : la facilité et l'aisance. Sur la Toile, on trouve moins de mots techniques ou technologiques à la prononciation impossible, à la définition sibylline. Internet devient l'univers du «webacteur», qui installe son langage.
Comment ? L'onomatopée d'abord. Sur Internet, un son devient un mot : «buzz» par exemple, «chatter» ou «clic». Beaucoup de livres pour enfants ou la transgénérationnelle bande dessinée ont recours à la reproduction de sons oraux pour transmettre un message. Le son, en effet, contribue en lexicologie à créer des mots. N'y a-t-il pas dans le cri des animaux une similitude entre le verbe et le son ? N'entend-on pas de l'aboiement dans «aboyer», du miaulement dans «miauler». Ainsi, le Web obéit à ce grand principe et crée ses mots en se référant à un son.
Le Web se constitue une langue par analogie. «Nautilus», «argonautes», «internaute» possèdent une racine commune : «naute», un marin ou un matelot en grec. Le langage du Web recourt à des images et des perceptions qui évoquent le milieu marin, aquatique, celui de la glisse et du liquide. Dans le même flux s'ajoutent «surfer» et «naviguer». La langue se fonde donc sur des critères rationnels, étymologiques et historiques, et sur une part sensible et irrationnelle qui relie l'inconscient à des images et à des mythes présents dans la mémoire collective.
L'emprunt à une langue étrangère est aussi un procédé courant sur Internet. Pour une technologie née, en partie, dans la Silicon Valley, il n'est pas étonnant de croiser régulièrement des mots anglais. Heureusement, les différentes nations veillent, parfois avec un décalage, à imposer leurs propres mots. Ainsi en est-il d'«e-mail» et de son adaptation française avec le mot «courriel».
Enfin, le Web s'approprie des mots existants, mais il les forme selon ses besoins en leur conférant des sens qu'ils ne contenaient pas auparavant. Avec l'avènement du Web 2.0, le réseau Internet a changé de nature. D'outil d'information, le Web s'affirme comme un lieu de partage. Les termes qui appartiennent au domaine des relations humaines, comme «réseau», «lien», «ami», «partage», voient alors leur sens premier s'élargir de sens nouveaux. Par exemple, au sens classique du verbe partager : diviser en parts, s'ajoutent ceux de communiquer, participer, faire participer, échanger. On partage des textes, des photos, son carnet d'adresses, son avis.
Le processus de création lexicologique de l'univers du Web répond donc aux grandes lois de la linguistique et exprime par son lexique l'accessibilité de l'outil Internet. N'est-il pas étonnant et rassurant de trouver de la stabilité dans un domaine aussi évolutif et qui transforme nos habitudes de vie ?