Alors que les marques s’approprient les codes de la communication éthique et responsable, habituellement réservés aux associations et ONG, ces dernières doivent réinventer leur façon de communiquer.
Dans un monde secoué par les crises environnementales et sociales, le paysage de la communication engagée connaît une mutation profonde. Les marques, confrontées à une exigence croissante de transparence, de responsabilité sociale et de respect de l’environnement de la part des consommateurs, s’efforcent toujours plus de répondre à cette attente en intégrant des choix et des actions RSE à leur raison d’être, ainsi qu’à leurs actions de communication, s’appropriant progressivement les codes de la communication éthique et responsable, habituellement réservés aux associations et ONG.
Cette nouvelle dynamique crée une véritable compétition pour l’attention du public avec les associations à but non lucratif, pionnières de l’engagement social. Les ONG se retrouvent paradoxalement dans l’ombre de ces nouveaux acteurs dont les capacités d’action sont souvent démultipliées par rapport à celles des acteurs solidaires. Face à ces nouveaux enjeux de communication, les associations n’ont pas d’autre choix que de s’adapter pour capter l’attention de leurs audiences et poursuivre leur combat.
Un contexte de concurrence en nette expansion
Le temps où les entreprises se contentaient de communiquer sur leurs produits et services est révolu. Les consommateurs actuels, particulièrement les générations plus jeunes, portent une forte attention aux marques qui contribuent au bien-être de la société. En réponse, de nombreuses entreprises adoptent des actions et des discours visant à démontrer leur engagement pour des causes sociétales et environnementales. À travers cette quête de légitimité, les marques investissent massivement le terrain de la communication responsable, multipliant les prises de position et les campagnes axées sur leurs actions positives pour la société.
Ce changement de paradigme, bien que positif dans l’absolu, engendre une situation complexe pour les associations : dotées de budgets marketing conséquents et d’équipes spécialisées, les entreprises parviennent souvent à mieux faire entendre leur voix. Dans ce contexte, les associations font face à un double défi. D’une part, elles doivent réussir à capter l’attention de leurs cibles dans un environnement médiatique saturé de messages à consonance éthique et en perpétuelle évolution. De l’autre, elles doivent se démarquer des entreprises qui adoptent une communication toujours plus proche de leurs codes traditionnels.
Une stratégie militante pour mieux se démarquer des marques
Pour répondre à ces enjeux, elles sont nombreuses à choisir de radicaliser leur posture communicationnelle. En adoptant un ton plus militant et plus direct, elles cherchent à réaffirmer leur différence et leur légitimité tout en affichant davantage leurs actions de plaidoyer. Contrairement aux entreprises, qui doivent majoritairement naviguer entre leur désir d’engagement et leurs impératifs commerciaux, les associations jouissent d’une liberté de ton et d’action plus grande.
Leur force réside donc dans leur authenticité, qui reste aujourd’hui leur principal levier face aux stratégies souvent plus calculées des marques. Leur expertise historique mise en lumière à travers des campagnes plus percutantes leur permet alors de maintenir une connexion émotionnelle et morale forte avec leurs audiences.
En outre, les donateurs, de plus en plus sollicités par les ONG et marqués par les crises internationales et les urgences climatiques, doivent faire des choix devant la baisse de leur pouvoir d’achat. Ces derniers regardent désormais davantage les actions de plaidoyer et les victoires obtenues par les acteurs solidaires, et non plus uniquement les combats qu’elles défendent.
De la concurrence à la complémentarité
Cette situation pourrait sembler créer une opposition frontale entre entreprises et associations. Pourtant une lecture plus fine suggère l’émergence possible d’une complémentarité. Grâce à cette nouvelle posture déployée dans leur communication, les associations redonnent au public les clés pour discerner les engagements sincères des discours purement marketing. Elles portent notamment un regard critique et constructif sur les évolutions de nos sociétés.
En assumant pleinement ce rôle de vigilance et en utilisant cette liberté de ton qui leur est propre, les associations continuent ainsi de faire progresser le débat public et de maintenir un engagement actif de la part du grand public. A contrario, les entreprises, par leur puissance économique et leur force de frappe médiatique, contribuent à populariser les enjeux sociétaux en répondant à la demande des consommateurs.
L’enjeu pour les associations n’est donc peut-être pas tant de lutter contre l’appropriation des codes de la communication responsable par les marques que de réaffirmer leur rôle militant. Dans ce nouveau paysage de la communication engagée, les associations transforment ainsi ce qui pourrait apparaître comme une contrainte en une opportunité. Elles continuent de se différencier et d’assurer leur engagement dans des causes essentielles, tandis que les entreprises sont appelées à construire des stratégies de communication plus transparentes, sans prétendre être ce qu’elles ne sont pas.
En travaillant à clarifier ces différences, un dialogue plus honnête et constructif pourra se développer entre ces deux types d’acteurs, au service d’un progrès social et environnemental partagé.