Le mercredi 7 mars à Paris, veille de la Journée internationale de la femme, le collectif Féministes en mouvements, qui fédère quarante-cinq associations, va organiser une rencontre avec les candidats en vue d'«imposer l'égalité femmes-hommes à l'agenda de la campagne présidentielle», explique Caroline de Haas, l'une des animatrices du collectif. Le 28 février, seuls trois candidats – de gauche – avaient répondu à l'appel: François Hollande, Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon.
«Malgré les avancées, les inégalités demeurent criantes entre les femmes et les hommes. Et la crise économique, financière, sociale, écologique que nous traversons les accroît, poursuit-elle. Les femmes représentent plus la moitié de l'électorat et sont les premières touchées par la crise. Il est temps que les candidat(e)s à la présidentielle se le rappellent. Nous les exhortons à faire de l'égalité femmes-hommes, condition indispensable du progrès social, une priorité politique nationale.»
A ces fins, Féministes en mouvements fait circuler sur Internet une lettre ouverte aux candidats où sont listées «dix mesures prioritaires à court terme». Parmi lesquelles, la création d'un ministère des Droits des femmes, une surcotisation sur les temps partiels, l'ouverture de 500 000 places en crèche, le remboursement à 100% de l'IVG et la création de 4 500 places d'accueil pour les femmes victimes de violences conjugales.
Si l'on en juge par une enquête sur les droits des femmes dans la campagne présidentielle menée par l'institut CSA les 15 et le 16 février pour Terrafemina, il ressort que pour une majorité de Français, quatre mesures sont considérées comme prioritaires: l'égalité salariale entre hommes et femmes à poste équivalent (pour 75% des Français et 79% des femmes), des condamnations plus sévères pour les hommes coupables de violences conjugales (68%), des aides spécifiques pour les femmes qui élèvent seules leurs enfants (57% des Français et 62% des femmes) et la valorisation des retraites pour les femmes qui s'arrêtent ou réduisent leur activité professionnelle pour élever leurs enfants (57%).
Entre décalage et paradoxe
Pour autant, l'étude CSA révèle qu'un tiers des Français (34%) interrogés sur le candidat qui serait le plus à l'écoute en matière de droits des femmes n'en cite aucun! Les femmes sont encore plus circonspectes: 39% n'accordent leur préférence à aucun candidat sur ces sujets (pour 28% des hommes). «Dans ce contexte, les préférences exprimées recoupent en grande partie la proximité politique des répondants», souligne Nicolas Fert, chargé d'études chez CSA. Ainsi, François Hollande est perçu comme le candidat le plus à l'écoute en matière de droits des femmes, même s'il ne recueille que 15% des citations (22% chez les ouvriers), devant Eva Joly et François Bayrou (10% chacun), Nicolas Sarkozy (9%), Marine Le Pen (8%) et Jean-Luc Mélenchon (4%). Pour la féministe Caroline de Haas, «il y a un décalage et un paradoxe entre la société qui a compris que l'égalité était un sujet-clé et les politiques qui ne l'ont pas intégré».
Parole d'expert
Nicolas Fert, chargé d'études au département politique-opinion de CSA
«Pas un enjeu de campagne»
«Pour près de quatre femmes sur dix, aucun candidat ne ressort comme étant le plus à l'écoute des droits des femmes. Les plus jeunes sont plus circonspectes que leurs aînées, héritières des combats pour la libération de la femme: 47% des 18-24 ans ne citent aucun candidat, pour 35% des 50-64 ans. Un clivage intergénérationnel qui apparaît plus prononcé que celui des hommes. Ces derniers ayant intégré, dans une moindre mesure, la plupart des revendications des femmes. Les droits des femmes n'apparaissent pas aujourd'hui comme un élément de clivage idéologique en vue de la présidentielle. Mais ce n'est pas parce que ces sujets ne semblent pas être un enjeu de campagne qu'ils ne sont pas un enjeu de société.»