Cela fait longtemps que la publicité met en scène des vraies personnes. Cette ficelle éprouvée dans la communication marque employeur fait maintenant recette dans la communication commerciale. Faut-il voir dans l’éleveur derrière le lait ou le pêcheur derrière le surimi la seule recherche d’authenticité de la part des marques ? Ces publicités sans trucage ont un double effet : en interne, elles suscitent de la fierté, en externe, de la réassurance en permettant de faire oublier ce qui fait peur (l’usine ou la production de masse).
Si on remonte l’histoire, on s’aperçoit que cette pratique est en fait à la genèse même de la publicité. La marque (au sens premier et avec sa traduction anglaise empruntée à un mot français : « le brandon ») désigne une forme d’appartenance. Souvent, l’iconographie publicitaire mettait donc en scène le propriétaire ou le créateur comme chez KFC, qui en a d'ailleurs fait un territoire de communication, avec le fameux colonel. L’entreprise horizontale étant passée par là, le fondateur n’est plus la figure de réassurance et on choisit désormais de montrer des femmes et des hommes en situation de faire : artisans, producteurs, opérationnels.
Le digital - et notamment les réseaux sociaux - ont permis la multiplication de ces types d’expression. D’abord car le coût de production et de médiatisation est moindre. Sur les réseaux sociaux des marques, on se nourrit de contenu, et ces fils sont devenus de vraies fenêtres sur l’intérieur de l’entreprise, suivis par les consommateurs et l’interne. De plus, les marques ont compris que ces réseaux sociaux étaient un lieu formidable pour créer une communication sans filtre : plutôt que de mettre un salarié en scène dans une publicité, pourquoi ne pas utiliser directement sa parole, son fil, pour en faire un porte-parole engagé ?
La crise du Covid19 vient confirmer cette hypothèse. Que ce soit Veolia, Carrefour ou SNCF, toutes ces entreprises ont senti le besoin d’amplifier les ponts entre leurs publics et leurs employés à travers les réseaux sociaux, en retweetant directement la parole de ceux qui s’engagent et les expressions de soutien du grand public. #tousmobilisés, #hérosordinaires… : les hashtags se multiplient avec des retours très positifs. Des figures d’employés sont mises en scène et servent à la fois à montrer, en interne, les gestes de protection et les mesures décidées par l’entreprise, tout en créant une chaîne de fierté (en interne) et de solidarité (en externe).
L’urgence sanitaire renforce le discours de vérité
Dans ces moments forts, le lien entre les publics est amplifié. La publicité externe devient un moyen de communiquer en interne et de montrer de la reconnaissance. L’urgence sanitaire renforce le discours de vérité, et on a l’impression que les entreprises ont abandonné le registre du commercial - la réclame - au profit du champ lexical du patriotisme.
De plus, les messages prennent souvent des directions semblables, comme si tous les élans de la marque s’alignaient dans une union sacrée. « Gardons le contact » : en interne, cela veut dire réunir des milliers de collaborateurs sur Skype pour un tchat à distance avec leur manager, et en externe, écrire à sa base CRM pour donner des nouvelles de l’état du business et souhaiter à tous de #resterchezsoi.
Plutôt que de distinguer communication interne et externe, mieux vaudrait-il parler de communication unifiée, dans laquelle ce qu’on dit à l’externe ou à l’interne se répond (bien sûr, pas avec les mêmes timings, et souvent pas avec les mêmes langages ou leviers). Mieux vaut différencier l’expertise et la stratégie, celle-ci ne pouvant être pensée en désolidarisant ces deux publics. Ils sont chacun une face de la même pièce de monnaie et la communication devient une forme de rencontre, comme une prémonition (positive) de l’expérience à venir.