Avec le développement du digital, l’injonction du temps réel et l’exigence de production de contenus qui en découle n’ont jamais été aussi élevées. Les médias digitaux sont devenus des ogres qui incitent les marques et leurs prestataires à multiplier la production de contenus. Il y a là une dérive dangereuse : les marques diffusent des vidéos et des images à qui mieux-mieux, pour des prises de parole qui, sur les réseaux sociaux, vont durer quelques heures. La gratuité – partielle – de la communication n’incite pas à s’interroger sur l’efficience de ces prises de parole et laisse à penser qu’elles sont inoffensives… C’est une course en avant dans laquelle la communication devient elle-même productrice d’objets polluants. Non seulement elle est née de l’essor du marketing, mais elle fait par essence le lit du système de consommation actuel. En tant qu’industrie, elle contribue aussi à l’épuisement des ressources (mentales, physiques, énergétiques). À horizon 2030, il est estimé qu’internet sera le premier consommateur d’électricité au monde.
Si la communication inclut classiquement la RSE dans ses prises de parole, on se pose finalement assez peu la question de savoir si, en tant que telle, elle est une industrie durable. Le modèle actuel interroge fondamentalement. Certains acteurs ne vont rien changer à leur comportement et rester dans ce système schizophrène, d’autres vont évoluer. Cela ne veut pas dire arrêter de communiquer mais simplement faire différemment. Un exemple : il y a de nombreux sites obsolètes toujours en ligne, qui requièrent des serveurs alors qu’ils ont été conçus pour des campagnes vieilles de plusieurs années, qu’ils étaient destinés à être éphémères, ou que ces blogs ont depuis été délaissés. Il existe un monde invisible de pollution numérique. En tant qu’agence de communication, nous devons nous attacher au cycle de vie du produit de la communication et ne pas oublier de le fermer ou de le recycler quand il est obsolète.
Il y a des actions a posteriori donc, mais aussi a priori, en amont. Pour nous, la communication doit être frugale en devenant la somme de la dé-communication et de l’alter-communication, en repensant à la fois quantité et qualité. Est-ce que les annonceurs sont prêts pour cette communication-là ? L’une des façons de rendre les choses acceptables est de démarrer par l’éco-conception. Faire comprendre qu’il est possible d’utiliser moins de ressources pour faire la même chose permet d’infléchir les façons de faire des entreprises sans changer forcément l’univers visuel de la marque ni même entraîner de surcoût. Il est ainsi possible de développer un site qui consommera jusqu’à 30% d’énergie en moins en adoptant les polices, les formats de contenus, la taille de serveurs, le code ou encore les couleurs adéquates. Des leviers existent, à la fois en tech, en UI (design d'interface) et en UX (expérience utilisateur). Il faut idéalement combiner tous ces leviers-là.
Le pari est d’embarquer nos clients, en commençant par des solutions d’éco-conception, de re-développement, de re-design qui permettent d’avoir la même présence digitale en consommant moins. C’est une première étape qui crée des réflexions vertueuses et de la valeur pour les marques. D’un côté, cela diminue l’impact carbone, de l’autre, cela les amène sur d’autres terrains de simplification et leur permet donc de revenir à la question de base : en quoi la communication est-elle utile et efficace ? Cette mue est sans doute contre-intuitive, mais il existe une voie pour ceux qui se poseraient la question de savoir comment la communication, en tant que telle, peut apporter sa pierre à la responsabilité des entreprises.