Tribune
Alors que les réseaux sociaux sont divisés quant à l'acceptation des publicités politiques, de nouveaux outils de communication politique, fondés sur une relation one-to-one, émergent aux Etats-Unis, mais aussi en Inde ou au Brésil.

Après Twitter, Linkedin, Pinterest, Twitch, TikTok, c’est au tour de Spotify d’annoncer l’interdiction de publicités politiques sur son application. Sans compter que Google ne permettra plus aux annonces liées aux élections de cibler des personnes en fonction de leur affiliation politique. Snapchat reste quant à lui ouvert aux publicités politiques ; la plateforme connaît d’ailleurs un regain de chiffre d’affaires dans ce domaine.

Facebook le permet encore mais travaille aussi avec des organismes de vérification des faits, certifiés par le Poynter Institute. Reste que l’algorithme de Facebook en lui-même favorise un certain type de communication politique, celle qui se concentre sur l'engagement avec des électeurs qui sont déjà militants. En effet, l'algorithme pousse une publicité donnée vers les utilisateurs qui, selon lui, sont probablement déjà intéressés par son message. Sont ainsi favorisés les candidats établis mais surtout ceux qui clivent.

Ainsi, aux Etats-Unis, les publicités du camp républicain sont plus visibles car l’électorat des républicains est davantage homogène que celui de l’électorat démocrate. Par conséquent, comment s’affranchir de publicités payantes sur Facebook et sur les réseaux de télévision par une stratégie de croissance organique ? C’est le pari qu’ont fait à nouveau les républicains pour garder une longueur d’avance en matière de compol tech.

Accès au carnet de contacts du militant

L’organisation relationnelle est ainsi privilégiée avec l’app Ucampaign, qui encourage les partisans à faire un don, à faire du bénévolat et à attirer des électeurs partageant les mêmes idées. Les militants de Trump qui téléchargent l'application tout-en-un sont en mesure de s'inscrire au rallye Make America Great Again, en peignant un quartier ou en appelant des électeurs, voire même en s’inscrivant pour voter. Ce challenge leur permet de gagner des goodies et autres rencontres avec l’équipe du candidat, ou des places bien situées lors des meetings. Mais surtout, il permet à l'équipe de campagne d’accéder au carnet de contacts du militant.

Après avoir téléchargé l'application, celui-ci permet au camp républicain, sans passer par les réseaux sociaux, d'utiliser ses contacts téléphoniques pour identifier les électeurs potentiels. L'application suggère alors au militant d'envoyer à ce contact un message pré-écrit, qui sera adapté selon ce que les datas de la campagne connaissent déjà à son sujet. C’est plus efficace que les autres méthodes de campagne, augmentant la participation au vote de 2,8%. La campagne Trump a déjà acquis 200 millions de fichiers d’électeurs pour créer des profils pouvant être utilisés pour adapter les messages aux électeurs spécifiques, jusqu'à faire varier la couleur de la publicité !

Appli préinstallée sur les smartphones

Ucampaign avait commencé à être utilisée par l’équipe Trump deux mois avant la fin de la campagne de 2016. Ce contournement des réseaux sociaux classiques par une communication émise par un tiers dont la confiance est importante aux yeux du futur électeur commence à se répandre dans les stratégies de marketing politique. En Inde, sur le même principe, l’application NaMo, diminutif du nom du Premier ministre indien, permet d’offrir les mêmes services, à savoir une communication maîtrisée en one-to-one auprès d’une cible militante. L’équipe de campagne du Premier ministre a même poussé la diffusion de cette app en la préinstallant sur les smartphones vendus par l’opérateur de téléphonie Jio. Pour son élection au Brésil, Bolsonaro avait aussi choisi de contourner les réseaux sociaux en privilégiant une communication directe auprès de ses partisans. Ceux-ci pouvaient rediffuser massivement les messages auprès de leurs contacts, grâce aux milliers de groupes WhatsApp profilés par typologie d’électeurs potentiels.

Mais une fois ces canaux maîtrisés en dehors des réseaux sociaux, il faut produire du contenu. Lui seul est à même de mobiliser son électorat, de convaincre les indécis et de dissuader les militants adverses d’aller voter. Aux Etats-Unis, c’est encore une fois les républicains qui innovent en créant le premier site d’EDL, ces fameux éléments de langages, véritables argumentaires que chaque militant peut s’approprier pour faire campagne. Ce site s’intitule sobrement Snowflakevictory et sa home page annonce «how to win an argument with your liberal relatives». Thème par thème, il propose des éléments écrits, chiffrés et des vidéos explicatives autour de l’argument «the Trump economy is strong». Le parfait kit militant pour essaimer les messages de campagnes auprès de ses proches.

Dans cette constante course à l’innovation aux Etats-Unis, Andrew Yang, candidat à la primaire démocrate, a lui lancé un jeu vidéo permettant, avec les autres candidats de 2020, de s’affronter en contact direct. Path to presidency est d’ores et déjà disponible au téléchargement. L’Inde, nouveau terreau d’innovation en marketing politique, présagera-t-elle de la communication politique des années à venir avec le lancemnt de la première websérie réalisée par un candidat ? Celle-ci s’appuie sur la stratégie du softpower afin de dénoncer les agissements du camp adverse. Le marketing politique n’a jamais été un long fleuve tranquille, il a toujours su s’affranchir ou contourner les contraintes sociétales et juridiques.

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