Les agences sont à leur tour entrées dans une période compliquée. Aux mutations des modèles économiques – Gafa, cabinets de conseil, désintermédiation – viennent s’ajouter de nouveaux paradigmes sociétaux. Ils ébranlent leurs fondements structurels et les modèles qui, jusqu’alors, avaient présidé à leur création.
1. Les agences, organisées pour répondre à une logique concurrentielle, gagnaient leurs clients à l’issue de compétitions peu ou pas rémunérées. En contrepartie, les honoraires absorbaient une partie de l’investissement des consultations perdues. Les négociations budgétaires, parfois pluri-annuelles, étaient de la responsabilité des passeurs d’ordre.
Cette situation a changé. Si les consultations restent, hélas, peu ou pas rémunérées, ce sont désormais les achats qui calibrent les prestations. Le recours aux appels d’offre obligatoires rend les contrats de moins en moins fréquents. Découplée de la demande initiale, la négociation devient particulièrement âpre. Les honoraires sont sensiblement revus à la baisse pour des prestations équivalentes et fragilisent l’équilibre économique des agences.
2. Les relations avec les clients se tendent. Soumis à une transformation violente de leur propre modèle, les interlocuteurs sont sous pression. Les agences n’échappent pas à la théorie du ruissellement, mais c’est de stress dont il s’agit. Les demandes sont pressantes, le dialogue laisse la place aux injonctions comminatoires qui dégradent le climat de confiance et pèsent sur les équipes subissant ce stress une seconde fois, lorsqu’ils doivent résoudre l’équation interne infernale : moins cher et plus vite et encore mieux. Le climat s’en trouve dégradé. La souffrance au travail est, dans bien des cas, une réalité.
3. La vague de fond #metoo a modifié le climat social. Initialement orientée contre le sexisme et le harcèlement sexuel, la libération de la parole a permis de révéler d’autres types de dysfonctionnements et de comportements inappropriés. On ne peut que s’en féliciter.
Mais comme tout progrès, il contient sa part d’ombre. L’argument du harcèlement s’invite désormais dès que les relations employés-employeur se tendent. Sa seule mention permet de déplafonner la part supra-légale des indemnités de rupture. Les avocats saisissent opportunément cette disposition, en usent et en abusent. Les tribunaux sont aujourd’hui débordés de dossiers qui y font mention. Il est bien difficile de démêler le bon grain de l’ivraie dans ces situations conflictuelles.
L’excellence pour faire face à la concurrence
Mais au quotidien, le management de proximité se confronte au principe de réalité : nous sommes, de fait, dans un métier à compétition qui ne laisse pas de place aux seconds. Ceux qui l’emportent sont ceux qui commencent à travailler là où les autres s’arrêtent. Dans cet art inexact de la communication, du branding, de la publicité, l’excellence est le seul chemin à emprunter pour faire face à la concurrence. Ce métier – choisi – conjugue intimement passion et engagement. « Il n’y a pas de génie, il n’y a que des gens qui travaillent plus que les autres », déclare Matthieu Chedid. Seulement voilà, le contexte a changé : le dire tel quel est devenu aujourd’hui inaudible et inopérant. Il faut changer nos logiciels.
Ces réalités complexes sont autant d’opportunités pour réinventer nos organisations. Elles créent les conditions pour qu’un écosystème d’expertises pointues gravite autour d’un noyau central à très haute valeur ajoutée. Nous serons ainsi à la fois plus forts et plus agiles. Elles conduisent à penser l’agence comme un corps social souple, flexible et mobile, mieux dimensionné, sans cesse ajusté aux fluctuations du business.
Elles supposent qu’un esprit de corps et de savoir-être, entre talents conjugués, efforts et art de vivre, s’instaure à nouveau entre les composantes multiples de ces nouveaux ensembles. C’est une voie étroite de confiance et de bienveillance réciproque à emprunter par toutes les parties prenantes. Pour faire agence et pour faire société.