Avez-vous lu le roman de Romain Gary, Les Racines du ciel ? Pour moi, c'est le plus beau roman écologique. L’Afrique sauvage des éléphants... Il a participé, pour beaucoup d’entre nous, à notre prise de conscience sur l’effondrement du monde sauvage, la prédation, bien avant le formidable Sapiens de Yuval Noah Harari. L’Afrique, si lointaine dans notre inconscient collectif, se fait si proche aujourd’hui. Les femmes et les hommes qui tentent de traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe sont des voisins. Ils fuient des crises économiques, politiques, climatiques (souvent enchevêtrées) et révèlent, dans leur détresse, tout à la fois notre proximité et notre interdépendance.
À l’heure du réveil écologique de nos sociétés « matures », on regarde l’Afrique avec un œil neuf. Elle apparaît comme une réserve de nature et de biodiversité. Telle l’Amazonie, on lui attribue une fonction vitale: celle de poumon climatique. On en connaît les ressources naturelles gigantesques. Mais on oublie parfois (cela fait tellement peur) l’incroyable jeunesse de sa population et l’explosion démographique en cours. Le continent doit faire face à des enjeux extraordinaires pour garantir à ses populations un développement durable, équitable et nous avons, toutes et tous, ici même, une responsabilité solidaire dans cette affaire-là. De nombreuses entreprises comprennent que l’Afrique n’est pas qu’une source de matières premières ou de terres agricoles à exploiter, des marchés à conquérir, mais que leurs activités peuvent être l’opportunité de tisser des liens plus profonds.
Le boycott du lait Danone au Maroc a été une crise majeure pour le groupe alimentaire français. Gérée de très près (Emmanuel Faber s’est engagé personnellement), elle n’en révèle pas moins la fragilité de notre rapport complexe à ces marchés, ces cultures, ces territoires qui attendent de nous une nouvelle relation partenariale. Pour nombre de nos clients, le travail sur la responsabilité sociale et environnementale nous conduit à remonter les filières (bois, palme, cacao, café ...). Là se cachent les réalités tangibles de la responsabilité des marques.
Catherine Puiseux, la pionnière
Et derrière les marques, il y a des gens, des personnes qui ne font jamais la une de Stratégies mais la mériteraient cent fois. Parce qu’ils travaillent à faire évoluer les consciences, à transformer notre culture professionnelle et tentent, inlassablement, de repenser nos modèles. Et là je vais me permettre un hold-up, un détournement. Je veux me servir de cette tribune pour saluer une alliée de (très) longue date. Catherine Puiseux, directrice de la RSE du Groupe TF1 quitte son poste dans quelques jours. Elle fait partie de la génération des pionniers, de celles et ceux qui ont essuyé les plâtres, subi les sarcasmes, avalé les couleuvres pendant tout ce temps où le durable ne faisait pas rêver, était jugé comme dogmatique ou « bisounours ». Catherine a été une des toutes premières à pointer notre rapport à la consommation comme le nœud gordien de notre responsabilité. (Elle est aussi, depuis 2013, coopératrice de la Louve à Paris. Elle quitte ses fonctions en ayant contribué, dans l’un des médias les plus puissants du pays, à cette prise de conscience du grand paradoxe de la communication responsable.
Si Catherine Puiseux quitte le Groupe TF1, c’est pour accélérer un autre projet. Avec son mari, Pablo Kakpo, elle a créé en 2003 une ONG, l’Agence africaine de développement durable. Elle va poursuivre le développement de cette association qui, au Bénin, œuvre à la promotion de l’agro-écologie et de la RSE. Une initiative qui sème les graines d’un avenir durable au service d’un continent entier.
Catherine, ta combativité t’envoie là-bas. Qu’elle nous inspire ! S’il te plait, rappelle-toi à nous pour créer des ponts avec nos entreprises et imaginer une nouvelle relation à la Terre. Si j’ai tenu à parler de toi, ici, c’est que ça parle de nous tous. Sache, par ces lignes, que je ne te perds pas du regard.