Issus des plus grandes écoles et universités, 29 000 étudiants ont rejoint le « Manifeste pour un réveil écologique ». La question qu’ils se posent est loin d’être triviale : à quoi servent nos efforts écologiques individuels si on se retrouve à bosser « pour une entreprise dont l’activité contribue à l’accélération du changement climatique ou à l’épuisement des ressources » Leur message est clair. Ils n’iront pas vers « des postes souvent incompatibles avec le fruit de (leurs) réflexions » ni contribuer à « un système qui les enferme dans des contradictions quotidiennes ». Dont acte.
Plus de 2 millions de Français ont (déjà) signé la pétition lancée par quatre associations (Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace et Oxfam) décidées, au nom de l’intérêt général, à attaquer l’État français en justice pour qu’il respecte ses engagements sur le climat. C'est #laffairedusiecle. Alors que se profilait le Grand Débat, l’initiative a été souffletée d’un revers de main par le gouvernement : « ce n’est pas dans un tribunal qu’on va faire baisser les émissions de gaz à effet de serre ». Fermez le ban.
Lundi vert, gilet jaune
Près d’un tiers d’entre nous se déclarent désormais flexitariens, limitant consciemment leur consommation de viande (une consommation qui a baissé en France de 12% en dix ans selon le Credoc). En janvier, 500 personnalités, dont certaines très médiatiques (Isabelle Adjani, Juliette Binoche ou la présidente de WWF France Isabelle Autissier), ont appelé au « lundi vert » (une journée hebdomadaire sans viande ni poisson), adaptation de la campagne internationale « Meatless Monday » déjà populaire dans 40 pays (« Meat Free Monday » au Royaume-Uni, porté par Paul et Stella McCartney). Ségolène Royal, inénarrable, s’est fendue d’un commentaire dans Le Parisien : « une idée de bobo ». Nice !
Sur les ronds-points, les Gilets jaunes ont inventé de nouvelles solidarités, un nouveau récit collectif. Face à la violence de certains, l’outrance ordurière d’autres, la grande majorité des Français a confirmé son soutien à un mouvement protéiforme mais perçu clairement comme un signal de rupture, de transition. Rien ne serait plus comme avant. L’Histoire bégaye. Les démocraties n’ont jamais semblé aussi fragiles. Les chiffres économiques vacillent, les marchés flippent. Bref. Ça accélère !
Nous semblons, collectivement, sortir d’une grande léthargie. Comme si les messages de sensibilisation, les alertes des ONG, avaient, pendant des années, glissé sur des carapaces de déni, de défiance, de peur. À se demander si le départ de Nicolas Hulot, puis quelques semaines après ses mots sur « la fin du monde et la fin du mois », n’ont pas été les étincelles attendues.
Pré-contemplation
Dans les étapes du changement de comportement, analysés par les comportementalistes, notamment sur les sevrages de dépendance, il existe une étape (assez longue) dite de pré-contemplation. Un temps d’intégration des changements de modèles, de nouvelles propositions, des choix qui se présentent à nous avant même que ce changement soit véritablement évalué. Vous savez, quand vous êtes au volant de votre voiture, à l’arrêt dans les bouchons, et que tous les matins vous regardez filer des cyclistes sveltes et souriants sur ce même trajet ? Eh bien : vous pré-contemplez (si, si !).
Mais méfions-nous de nous-mêmes. Les communicants hument l’air du temps et adorent jouer des mouvements qui traversent la société. Par opportunisme souvent, sans malice vraiment, les marques vont se retrouver coiffées de lauriers verts et d’épithètes durables, « sustainables », responsables…
Halte au feu ! La société et les publics attendent de nous encore plus de vérité, d’humilité qu’avant. Gare à l’auto-célébration, aux proclamations et autres manifestes, aux grands-messes et aux tribunes sous les sunlights des marques « durables ». Ça accélère en vrai, accélérons en vrai. Nous avons trop à faire pour gâcher ce rendez-vous avec la société, avec les gens. Avec nous en fait. Belle année !
