Les professionnels des RP seront-ils bientôt remplacés par des robots ? Si la société DeepMind a réussi, en 2017, à mettre au point un système d’intelligence artificielle capable de devenir un virtuose des échecs, la filiale de Google devrait assez rapidement pouvoir créer une IA qui rivaliserait avec les humains sur le terrain des relations publics. D’autant que les premiers apports de l'IA dans ce domaine sont prometteurs.
Déjà, les algorithmes savent détecter les communautés avec lesquelles interagir, capter les signaux faibles prédictifs d’une crise et même suggérer des scénarios possibles en fonction de crises passées. Bientôt, des robots-rédacteurs produiront en toute autonomie les contenus que des robots-attachés de presse adresseront aux robots-journalistes déjà en poste, eux. Ce scénario, hautement probable, peut paraître inquiétant.
Ingénierie relationnelle
Pourtant, faut-il regretter que certaines tâches, comme le monitoring des contenus, l’identification des partages ou l’analyse des commentaires qui prolifèrent sur les réseaux sociaux, soient « uberisées » par les outils de l’IA ? Au contraire, il faut se réjouir que l’automatisation libère le talent humain de tâches indispensables mais chronophages, au profit de ce qui est fondamentalement le cœur de métier des RP : l’ingénierie relationnelle.
L’avènement du earned media leur a, certes, redoré le blason. Ce n’est que justice, car elles en sont les championnes historiques. Pour autant, c’est une consécration en trompe-l’œil. Réduire la finalité des RP à l’obtention d’une visibilité médiatique favorable, même affublée d’un buzz word, c’est continuer à confondre la fin et les moyens.
Bien mieux que dans la gestion des flux d’information, leur valeur ajoutée s’exprime dans la capacité à installer et à faire fructifier des systèmes complexes de relations fondées sur la confiance et l’engagement. L’explosion du web social, présenté il y a quelques années comme un « big bang », n’est rien comparé aux conséquences de l’irruption de l’IA dans le champ des relations publics, et plus largement, de la communication et du marketing.
Grâce à la puissance de calcul des ordinateurs, les données numériques donnent accès à des insights de plus en plus précis. Popularité des idées, résonance sociétale des concepts : les algorithmes d’intelligence artificielle offrent des moyens inédits pour gérer avec toujours plus de finesse les dynamiques d’une opinion émotive, réactive, éruptive qui, comme la décrivait Pascal, « est comme la reine du monde ».
Rééquilibrage
Cependant, cette capacité augmentée d’influence porte réciproquement en elle la possibilité pour les « cibles » de mieux se prémunir d’un marketing jugé trop invasif. Sans surprise, une pression trop forte ou trop insidieuse générera des stratégies d’évitement ou de rejet, rendues encore plus faciles par des outils déjà existants qui, eux aussi, utilisent l’intelligence artificielle. Les espoirs mis dans l’IA par les professionnels du marketing risquent alors tout simplement d’échouer. C’est là que le primat de la relation s’imposera à nouveau comme une condition sine qua non pour dépasser ce nouveau rééquilibrage du rapport de forces en faveur du consommateur.
Outre les apports concrets dans la pratique des RP, l’IA met en lumière la vraie nature des RP – une technologie sociale plus encore qu’une discipline de la communication – et consacre le caractère plus que jamais essentiel de la relation pour engager et installer durablement les conditions de l’échange. La notion de « earn » n’a pas fini de prouver sa pertinence. Ce saut technologique semble enfin l’occasion pour les RP de faire pleinement reconnaître leur valeur ajoutée et de réaffirmer leur déontologie. Le big bang, c’est maintenant.